Candidatures

Pour les Jeux en 2036, l’Inde avance dans le gros temps

— Publié le 6 février 2024

Les choses avancent en Inde. Mais l’impression est sans doute trompeuse. Près de quatre mois après la session du CIO à Mumbai, où le Premier ministre indien, Narendra Modi, a déclaré de sa forte voix l’intention du pays d’accueillir les Jeux olympiques en 2036, la candidature vient de franchir un nouveau pas en avant. Seul ennui : il annonce peut-être un mouvement inverse.

Le Comité olympique indien (IOA) a publié un communiqué, dimanche 4 février, pour expliquer en toutes lettres être entré en phase de dialogue avec la commission de futur hôte du CIO. Le texte a été relayé sur le compte X de l’instance. Il se veut très explicite. « L’IOA est en dialogue actif avec la commission des futurs hôtes du CIO concernant l’accueil des Jeux olympiques de la Jeunesse de 2030 et des Jeux olympiques de 2036 en Inde, conformément à la vision de l’Honorable Premier ministre », détaille le communiqué.

Rien de très nouveau, en réalité. Le projet olympique de l’Inde ne date pas d’hier. Il avait été évoqué lors des derniers Jeux asiatiques à Hangzhou, puis annoncé plus officiellement par Narendra Modi à Mumbai, le 14 octobre, pendant la cérémonie d’ouverture de la 141ème session du CIO. La seule nouveauté du jour est la prise de position de l’IOA. Jusque-là, l’annonce était restée très politique. Pour la première fois, l’instance olympique indienne prend le projet à son compte. Elle lui donne ainsi un vernis plus conforme au protocole du CIO.

Mais la presse indienne n’est pas dupe : la déclaration de l’IOA, dans son timing et sa formulation, n’est pas anodine. Elle aurait pour objectif de créer un écran de fumée censé cacher une crise de gouvernance au sein de l’instance.

Dans son édition du dimanche 4 février, le Times of India rapporte en effet que le comité national olympique est « entré en révolte contre sa présidente », l’ancienne athlète PT Usha, multiple médaillée en sprint et sur les haies aux championnats d’Asie et aux Jeux asiatiques. En cause, l’arrivée d’un nouveau directeur général, Raghuram Iyer.

Le quotidien indien cite une lettre signée par dix des 15 membres du conseil exécutif de l’IOA, où le recrutement est non seulement dénoncé, mais considéré comme nul et illégal. Les signataires expliquent que les statuts de l’instance ne donnent pas à la présidente le pouvoir de fixer le salaire d’un directeur général. Ils dénoncent le montant du salaire accordé à Raghuram Iyer – l’équivalent de 24.000 dollars par mois -, très au-dessus de la grille de l’instance. Enfin, ils demandent sa suspension immédiate.

Une affaire purement interne ? Oui et non. Certes, le comité olympique indien n’est pas la seule organisation du mouvement olympique à se laisser chahuter par une crise de gouvernance. En France, le CNOSF a connu la sienne, l’an passé, jusqu’à la démission de sa présidente, Brigitte Henriques. Cette période de gros temps n’a pas empêché la candidature des Alpes françaises pour les Jeux d’hiver 2030 de rafler la mise.

Mais l’Inde n’en est pas à ses premiers écarts de conduite. En juillet 2022, le départ forcé de son ancien président, Narinder Batra (par ailleurs président de la Fédération internationale de hockey), et la très longue attente pour l’organisation de nouvelles élections, avaient plongé l’IOA dans la crise. L’instance avait été menacée de suspension par le CIO. La session de Mumbai avait été repoussée d’une année.

Les dirigeants indiens le savent : le CIO les observe de près. Dans une déclaration, l’IOA explique : « Nous tenons à souligner que de tels articles trompeurs et non fondés ternissent l’image de l’IOA et peuvent faire dérailler les aspirations de la candidature de l’Inde à l’organisation des Jeux olympiques de la Jeunesse de 2030 et des Jeux olympiques de 2036. »

A ce stade, la perspective de voir l’Inde se retirer de la course reste lointaine. Mais l’IOA devra régler rapidement ses problèmes. Dans le cas contraire, le CIO pourrait avoir à rayer un nouveau candidat d’une liste déjà amputée récemment de la Pologne et du Mexique.