— Publié le 23 avril 2024

« Si c’était à refaire, nous referions la même chose »

Institutions Focus

Les révélations de la chaîne de télévision allemande ARD et du New York Times sur des soupçons de dopage massif dans la natation chinoise ont gâché son week-end et froissé son image. Mais l’Agence mondiale antidopage (AMA) ne s’est pas murée dans le silence. Après une première rafale de communiqués, pour tenter de justifier son silence sur cette affaire, elle a passé la vitesse supérieure, lundi 22 avril, en organisant une conférence de presse en ligne.

L’exercice n’est jamais simple. L’AMA l’a laissé s’étirer jusqu’à l’épuisement des questions, pendant près de deux heures, avant d’en proposer un enregistrement aux médias n’ayant pu la suivre en direct. Que faut-il en retenir ? Un refrain et trois explications.

Le refrain, d’abord. Il tient en une formule : l’AMA ne regrette rien. L’agence campe sur sa position, énoncée dès son premier communiqué de presse, envoyé avant même la diffusion de l’enquête menée par ARD : la thèse de la contamination des 23 nageurs chinois contrôlés positifs ne pouvant pas être démontée par des preuves scientifiques, il était impossible de les sanctionner. Witold Banka, le président de l’agence, l’a martelé : « Si c’était à refaire, nous ferions exactement la même chose. »

Les explications, maintenant. Elles apportent un éclairage plus précis sur l’affaire et son déroulé, au moins du point de vue de l’AMA.

Première précision : la chronologie des faits. Ross Wenzel, le conseiller de l’AMA, l’a détaillé lundi 22 avril en conférence presse : l’agence chinoise antidopage (CHINADA) a collecté 60 échantillons d’urine lors d’une compétition nationale de natation qui s’est terminée le 3 janvier 2021. Le 15 mars de la même année, elle a informé l’AMA avoir enregistré 28 tests positifs. Le mois suivant, la CHINADA a annoncé qu’elle allait mener l’enquête, en collaboration avec les autorités chinoises de santé publique.

A la fin du mois de mai, l’agence chinoise a transmis à l’AMA les résultat de ses investigations. Ils révélaient la présence de traces d’une substance interdite, la TMZ, dans un hôtel où avaient séjourné les 23 athlètes contrôlés positifs. Elles ont été trouvées dans des récipients à épices de la cuisine de l’hôtel et dans le système d’évacuation d’eau. Le 15 juin, la CHINADA a informé l’AMA qu’elle ne sanctionnerait pas les nageurs testés positifs, son enquête ayant conclu à une contamination environnementale ou alimentaire.

Deuxième explication : l’AMA n’a pas été capable de mener sa propre enquête sur le terrain, comme peut le faire son département du renseignement et des enquêtes. En cause, une recrudescence des cas de COVID-19 dans la région, empêchant une équipe de l’agence de se rendre sur place.

Malgré tout, le département scientifique de l’AMA a mené ses propres recherches. Il a notamment contacté le laboratoire à l’origine de la production de trimetazidine. Au cours de son enquête, l’AMA a également découvert que seuls les athlètes ayant séjourné dans le même hôtel avaient été testés positifs. Les autres nageurs, logés dans un établissement différent, n’ont pas présenté de résultats positifs aux contrôles effectués par la CHINADA pendant la compétition.

Enfin, dernière explication apportée en conférence de presse : l’AMA a accepté la décision de la CHINADA de ne pas sanctionner ses athlètes, faute de preuves réfutant la thèse de la contamination, et a fait le choix de ne pas ébruiter l’affaire afin de respecter la présomption d’innocence. Witold Banka l’a expliqué : « La question est de savoir si on veut ou non exposer des athlètes innocents. En publiant les noms de sportifs n’ayant pas enfreint les règles antidopage, nous risquons de nuire à leur image. Cette question est très importante, car nous ne devons pas oublier que notre rôle est aussi de protéger les athlètes innocents. »