— Publié le 17 novembre 2023

Face au CIO, Umar Kremlev veut aller jusqu’au bout

Institutions Focus

Il ne s’exprime qu’en russe. Plutôt gênant pour le président d’une fédération internationale. En russe, du premier au dernier mot, laissant aux interprètes la tâche de relayer ses propos. Mais Umar Kremlev (photo ci-dessus), l’imposant patron de l’Association internationale de boxe (IBA), sait se faire entendre.

Jeudi 16 novembre, il a convoqué la presse dans un grand hôtel du 16ème arrondissement de Paris. La ville-hôte des prochains Jeux olympiques d’été, où son sport et ses athlètes seront bien présents, mais son instance persona non grata. Un choix du lieu qui ne doit sans doute rien au hasard. Pas plus que le timing de cette conférence de presse, organisée le jour même où le Tribunal arbitral du sport (TAS) a examiné l’appel de l’IBA contre son exclusion par le CIO du mouvement olympique.

Pour l’occasion, Umar Kremlev a choisi de s’entourer de deux boxeurs français. Pas les plus anonymes. A sa gauche, Estelle Mossely, championne olympique aux Jeux de Rio 2016, ambassadrice de l’IBA, aujourd’hui couverte d’une double casquette de boxeuse et promotrice de combats. A sa droite, Sofiane Oumiha, le plus costaud du moment, triple champion du monde amateurs, tenant du titre mondial en moins de 60 kilos.

Umar Kremlev les a laissés s’exprimer, longuement, sans chercher à monopoliser le temps de parole. Il n’a pas retenu un discret sourire en les entendant, l’un et l’autre, assurer avec des mines convaincues que l’IBA restait la maison des boxeurs, la seule capable de leur offrir les conditions et les moyens de mener leur carrière.

Le dirigeant russe a profité de leur présence pour afficher ses projets pour la France : deux Champion’s Night en 2024, à Lyon et Paris, l’ouverture prochaine d’une académie de l’IBA, et surtout l’organisation en 2025 des championnats du monde. L’annonce a surpris tout le monde, à commencer par la Fédération française de boxe (FFB), pas encore consultée sur le projet. Umar Kremlev l’a expliqué : « L’idée est venue d’Estelle Mossely. Nous en parlerons plus tard avec la fédération française. » Difficile de faire sans.

Pour le reste, Umar Kremlev s’est montré fidèle à lui-même. Il fait du Umar Kremlev, distribuant les formules chocs, jouant volontiers de la provocation, délaissant l’habituelle langue de bois pour livrer un discours où, soyons clairs, il n’a pas toujours été facile de démêler le vrai du faux, l’info de l’intox.

L’appel devant le TAS de la décision du CIO de retirer à l’IBA sa reconnaissance olympique ? « Si nous ne gagnons pas, nous saisirons la Cour suprême suisse, a calmement répondu le dirigeant russe. Nous irons jusqu’au bout. Cette décision n’a pas été prise par la famille olympique, mais par des fonctionnaires du sport. En boxe, on dit souvent qu’il faut reculer de deux pas pour obtenir un KO. Parfois, on en sort vainqueur, parfois on en sort deuxième. Nous allons défendre nos droits, vous pouvez en être sûrs. »

La création de World Boxing et le départ de plusieurs fédérations nationales vers la nouvelle instance ? Umar Kremlev n’a pas éludé la question. Fidèle à sa ligne de conduite, il a évoqué les boxeurs, seuls aptes selon lui à prendre une telle décision. « A ceux qui ont décidé de quitter l’IBA, je veux leur dire de laisser le sport et de faire de la politique, a-t-il expliqué. Regardez ce qui s’est passé en Suisse : le président de la fédération a décidé de quitter l’IBA, mais les boxeurs s’y sont opposés et il a dû démissionner. »

Puis le dirigeant russe a étalé ses chiffres. Le premier était connu : 171, le nombre de fédérations nationales annoncées lors du prochain congrès de l’IBA, samedi 9 décembre à Dubaï. Le second l’était moins : 204, le nombre de fédérations toujours membres de l’instance. « Nous en avions 204 (avant la création de World Boxing, ndlr), nous aurons toujours 204″, a assuré Umar Kremlev, laissant entendre que l’IBA avait déjà créé des organisations nationales de la boxe dans les pays partis rejoindre World Boxing.

L’incertitude sur la présence de la boxe aux Jeux de Los Angeles 2028 ? Encore une fois, la réponse n’a pas fait dans la nuance. « Si notre sport disparait des Jeux, ça ne sera pas un problème pour la boxe mais pour les Jeux olympiques. Les boxeurs professionnels sont beaucoup plus populaires que les amateurs. Et ils peuvent beaucoup plus facilement vivre de leur sport. »

A Paris, jeudi 16 novembre, Umar Kremlev a surtout beaucoup parlé d’argent. Il en a l’habitude. D’argent et même d’or. Le président de l’IBA a longuement insisté sur l’importance du prize money dans les tournois internationaux. Il a proposé que des primes soient distribuées aux médaillés des Jeux de Paris 2024, assurant avoir écrit en ce sens au CIO et à son président, Thomas Bach. « Je peux leur servir de consultant sur ce sujet », a-t-il ironisé.

Umar Kremlev a même suggéré, allant jusqu’à se répéter, que les médailles des Jeux de Paris 2024 soient faites en or massif pour les vainqueurs. A défaut d’argent, ils pourraient alors repartir avec un bon poids d’or.