— Publié le 2 février 2018

Un revers pour le CIO, une victoire pour la Russie

Institutions Focus

Un camouflet pour le CIO ? Sans doute. A moins de 10 jours de l’ouverture des Jeux de PyeongChang 2018, le Tribunal arbitral du sport a lancé un pavé dans la mare, jeudi 1er février, en annulant les sanctions prononcées quelques semaines plus tôt par l’institution olympique à l’encontre d’un contingent d’athlète russes. Le timing n’est certes pas idéal. Mais la décision des magistrats de la juridiction sportive a le mérite de démontrer que rien n’est jamais écrit d’avance.

Les faits. Sur les 43 sportifs russes ayant fait appel de leur disqualification par le CIO des Jeux de Sotchi 2014, sanction accompagnée d’une suspension à vie des JO, 39 ont été entendus la semaine passée par le TAS lors d’une audience exceptionnelle délocalisée pour l’occasion de Lausanne à Genève. Sans présager de la décision des magistrats, il semblait alors entendu que la balance penchait plutôt du côté de l’institution olympique.

Mais, surprise, le TAS a annoncé jeudi 1er février en conférence de presse, depuis le centre des médias des Jeux de PyeongChang, que les sanctions étaient annulées pour 28 des 39 plaignants. Une décision justifiée par « des preuves suffisantes » pour établir avec certitude une violation des règles antidopage. Les 28 athlètes blanchis conservent leurs résultats des Jeux de Sotchi 2014. Dans le même temps, leur suspension à vie des Jeux olympiques est levée.

Pour les 11 autres plaignants, la décision du TAS est plus nuancée. Leur suspension à vie est annulée, mais ils sont reconnus coupables d’infraction aux règles antidopage. Leur disqualification des Jeux de Sotchi 2014 est confirmée. Ils ne peuvent pas prétendre à une participation aux Jeux de PyeongChang 2018.

L’analyse. En allant à l’encontre des sanctions prononcées entre novembre et décembre dernier, le TAS ne se contente pas de démontrer de façon très éloquente son indépendance à l’égard de l’institution olympique. Une bonne chose. La juridiction met surtout au grand jour la distinction entre faute collective et responsabilité individuelle.

En maintenant la disqualification de 11 des 39 athlètes russes ayant fait appel, elle confirme à sa façon l’existence d’un dopage organisé dans le sport russe. Mais, dans le même temps, elle estime que les accusations portées par le rapport McLaren sont insuffisantes pour mettre tout le monde dans le même panier. En clair, la Russie a dopé ses athlètes, mais tous ne sont pas responsables.

Les réactions. Elles ont été immédiates. Le CIO a expliqué dans un communiqué « regretter énormément que le TAS n’ait pas pris en compte l’existence avérée de la manipulation organisée du système antidopage russe » pour les 28 cas des athlètes blanchis. L’organisation olympique estime que la décision du tribunal « pourrait avoir un sérieux impact sur la lutte contre le dopage à l’avenir ». Enfin, le CIO indique envisager une suite à donner à la décision du TAS, notamment un appel auprès du Tribunal fédéral suisse.

L’Agence mondiale antidopage, de son côté, a déclaré « accueillir avec grande préoccupation les récentes décisions du Tribunal arbitral du sport (TAS) liées aux Jeux olympiques d’hiver de Sotchi 2014. L’AMA estime que cette décision est de nature à causer de l’incompréhension et de la frustration chez les sportifs. »

A l’autre bout du banc, les autorités sportives russes ont fait sauter les bouchons de champagne. Vitaly Moutko, l’ancien ministre russe des Sports, désormais numéro 2 du gouvernement, a estimé que les accusations de dopage institutionnalisé du rapport McLaren étaient « démenties » par la décision du TAS.

Les conséquences. La plus immédiate est arithmétique. La Russie avait perdu 13 médailles des Jeux de Sotchi 2014. Elle vient d’en récupérer 9, dont 2 en or. Elle retrouve sa place en tête du tableau des médailles.

Pour le reste, le tableau s’avère assez flou. En levant leur suspension à vie des Jeux, le TAS a ouvert la porte des Jeux de PyeongChang à certains des 28 athlètes russes blanchis, toujours en activité. Mais leur chance de patiner ou skier en Corée du Sud demeure théorique. « La décision du TAS ne signifie pas que des athlètes, parmi le groupe des 28, seront invités aux Jeux, a déjà prévenu le CIO. Ne pas être sanctionné ne confère pas automatiquement le privilège d’une invitation ». Pour le CIO, être blanchi ne signifie pas être innocent.

Il n’empêche, le comité olympique russe (ROC) a fait savoir par la voix de son vice-président, Stanislav Pozdnyakov, avoir demandé au CIO d’inviter aux Jeux d’hiver de PyeongChang 15 des 28 athlètes blanchis par le TAS. Une invitation que les autorités sportives russes attendent dès ce vendredi 2 février.