— Publié le 24 octobre 2019

Pour la Russie, Tokyo 2020 s’éloigne à grands pas

Institutions Focus

Privée des Jeux d’hiver de PyeongChang en 2018, la Russie sera-t-elle également écartée des Jeux de Tokyo 2020 ? A Moscou, l’une des voix les plus écoutées du mouvement olympique le croit. Et elle ne se prive pas de l’annoncer.

Iouri Ganous, le directeur de l’agence russe antidopage (RUSADA), l’a expliqué à l’AFP à l’occasion d’un entretien : « L’équipe olympique de la Fédération de Russie sera privée d’une participation pleine et entière aux Jeux de Tokyo. Et je pense que ce sera le cas aussi en Chine (pour les Jeux d’hiver en 2022). Les sportifs ne participeront pas sous leur drapeau et à part entière à Tokyo. C’est ce que je pense. » Selon lui, l’option la plus probable reste, dans le meilleur des cas, la participation « de certains de nos athlètes sur invitation. »

Prématuré ? A ce stade, sans doute. Mais Iouri Ganous sait de quoi il parle. A la tête de RUSADA, il connaît la réalité du dopage en Russie, les progrès dans la lutte contre les tricheurs mais aussi ses manquements.

Il se risque même à prédire déjà une nouvelle traversée du désert du mouvement sportif russe, concrétisée par une série de sanctions financières, l’interdiction de la Russie d’accueillir des événements sportifs majeurs et l’exclusion de certains de ses dirigeants des grandes organisations internationales.

Depuis son bureau de Moscou, Iouri Ganous est notamment revenu pour l’AFP sur les « incohérences » relevées par les experts de l’AMA dans les données antidopage extraites de l’ancien laboratoire de la capitale russe. Présenté comme une avancée décisive vers une prochaine rédemption du sport russe, l’accès à ces millions de données pourrait bien se retourner contre la Russie.

Le ministre russe des Sports, Pavel Kolobkov, a répondu aux questions de l’AMA via un long courrier, le 8 octobre. Mais Iouri Ganous prédit que, face à l’ampleur de la manipulation, ses réponses seront probablement très insuffisantes pour satisfaire l’AMA et étouffer les doutes.

Iouri Ganous l’explique : la RUSADA n’avait pas accès à ses données. Elle est donc étrangère à l’affaire. La manipulation aurait, selon lui, été ordonnée en haut lieu par des responsables politiques.  Il suggère que les athlètes dopés auraient été protégés par leurs dirigeants.

Estimant la situation « gravissime », il révèle que les manipulations sont intervenues « à la veille du transfert de données à l’AMA. C’est un coup porté à la génération actuelle de sportifs et aux générations à venir. Toutes mes déclarations visent à ce que les bonnes décisions soient prises, la Russie ne peut plus continuer avec ces vieilles méthodes. Il faut se débarrasser de l’idée que l’Occident cherche à faire pression. La Russie doit mettre de l’ordre dans sa propre maison. »

Installé à la tête de la RUSADA depuis plus de deux ans, Youri Ganous se pose aujourd’hui en meneur de la lutte. Il milite pour un vaste nettoyage dans le sport russe, avec l’arrivée de « nouveaux dirigeants des organisations sportives », y compris un nouveau ministre des Sports. Il en appelle à « un soutien du président » Vladimir Poutine.

Sera-t-il entendu ? L’avenir à court terme du sport russe, et la participation de ses athlètes aux Jeux de Tokyo 2020, dépendent sans doute de la réponse.