— Publié le 7 novembre 2018

A l’AMA, la jeunesse pourrait rester à la porte

Institutions Focus

L’avis de tempête est maintenu au-dessus de l’Agence mondiale antidopage. Bombardée de critiques depuis plusieurs semaines, l’organisation internationale basée à Montréal est encore montrée du doigt. Cette fois, l’offensive est menée par les athlètes.

En cause, une proposition de durcir les critères d’éligibilité à la présidence de l’AMA. Elle émane de l’Union africaine, représentée au comité exécutif de l’Agence par sa commissaire aux Affaires sociales, Amira El Fadil. Selon un document révélé par l’ARD, elle propose de fixer un âge minimum pour se porter candidat au poste suprême. Les postulants à la présidence devraient avoir au moins 45 ans au moment du scrutin. Autre critère : ils devraient également posséder au minimum un diplôme de Master.

L’idée n’est pas banale. A une époque où le mouvement olympique cherche à rajeunir ses effectifs en établissant ici et là un âge limite pour prétendre à un mandat de dirigeant (70 ans au CIO), l’AMA prendrait la direction opposée. La jeunesse y serait indésirable.

Derrière la proposition de l’Union africaine se devine la volonté d’une partie des membres de l’AMA de faire obstacle à la Norvégienne Linda Helleland (ci-dessus, à droite, avec Craig Reedie). Actuelle vice-présidente de l’organisation, également ministre de l’Enfance, de l’Education et de l’Egalité des genres dans son pays, elle a officialisé en mai dernier sa candidature à la présidence de l’AMA. Elle ambitionne de succéder à Craig Reedie, 77 ans, dont le mandat arrivera à son terme l’an prochain. Précision : Linda Helleland est âgée de 41 ans.

A l’AMA, la personnalité et les prises de position de la Norvégienne dérangent et inquiètent. Linda Helleland multiplie les déclarations pour réclamer une plus grande transparence et une autonomie plus réelle vis à vis du CIO. En septembre dernier, elle a été l’un des deux seuls membres du comité exécutif à voter contre la réintégration de la Russie.

La proposition d’une limite d’âge pour la présidence a fait bondir certains des athlètes les plus engagées dans le combat pour un sport propre. Trois d’entre eux, membres du groupe « Athletes for Clean Sport », ont publié cette semaine un communiqué. Le pistard britannique Callum Skinner, l’haltérophile handisport britannique Ali Jawad, et le biathlète suédois Sebastian Samuelsson, signataires de la lettre, s’insurgent contre une proposition qu’ils jugent « totalement inacceptable. »

« Au vu de l’orientation récente de l’AMA et du manque de transparence dont nous avons été témoins, ce n’est sûrement pas une coïncidence si une telle initiative survient quelques semaines à peine avant le début de la campagne de Linda Helleland, la candidate aux idées les plus proches des athlètes », écrivent-ils.

A l’AMA, un porte-parole a tenté d’éteindre le feu. Selon James Fitzgerald, la proposition d’introduire un âge minimum pour la présidence ne vient ni de l’administration de l’AMA ni de son équipe dirigeante. Mais elle sera discutée le 13 novembre à Bakou, en Azerbaïdjan, à l’occasion d’une réunion des représentants des gouvernements au sein de l’Agence. Elle pourrait être ensuite plus formellement inscrite à l’ordre du jour des réunions de la Fondation et du comité exécutif de l’AMA, prévues les deux jours suivants.

Interrogé par Associated Press, le directeur général de l’Agence américaine antidopage (USADA), Travis Tygart, ne s’est pas privé d’un nouveau commentaire acerbe sur l’AMA et sur son fonctionnement. « C’est ridicule, a-t-il réagi. Jeanne d’Arc a déclenché une guerre à 17 ans et la reine Elizabeth a été couronnée à 25 ans. Mais pour être président de l’AMA, il faut avoir 45 ans. Une chose pareille n’existe que dans l’univers du CIO et de l’AMA. »