— Publié le 15 novembre 2017

Face aux menaces, la Russie entre en résistance

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Les prochaines semaines s’annoncent décisives pour le sport russe. L’Agence mondiale antidopage a réuni à Séoul ses plus hautes instances, le comité exécutif et le Conseil de la Fondation, pour deux journées de travaux et débats, ce mercredi 15 novembre, puis demain jeudi. En bonne place dans l’ordre du jour, la Russie.

Le CIO prendra bientôt le relais. Sa commission exécutive doit trancher lors de sa prochaine réunion, prévue du 5 au 7 décembre 2017 à Lausanne, la question de la participation des athlètes russes aux Jeux de PyeongChang 2018.

L’AMA prend les devants. Elle doit statuer, au plus tard jeudi 16 novembre, sur une possible réintégration de l’Agence russe antidopage (Rusada). Selon les derniers bruits de couloir, la tendance serait plutôt au non. Difficile, en effet, d’imaginer le « gendarme mondial de la lutte antidopage » accorder sa confiance à la Russie, quelques jours seulement après avoir annoncé détenir une base de données des analyses du laboratoire de Moscou entre janvier 2012 et août 2015.

Craig Reedie, le président de l’AMA, répète sans lassitude attendre de la Russie qu’elle reconnaissance l’existence dans son sport d’un vaste dopage d’Etat. Un mea culpa que les autorités russes ne semblent toujours pas prêtes à consentir. Sauf surprenant retournement de situation, l’AMA devrait donc continuer à déclarer la Russie « non conforme » au code mondial antidopage.

Le CIO suivra-t-il les mêmes traces? Tout est possible. L’institution olympique s’active depuis quelques semaines à tailler dans le gras du bilan russe aux Jeux de Sotchi. En accord avec les résultats des travaux de la commission Oswald, elle a déjà rayé des palmarès six fondeurs russes, et retiré cinq médailles du total de 33 places sur le podium réalisé aux derniers Jeux d’hiver.

Sa décision est très attendue. Elle pourrait s’orienter vers l’une ou l’autre de ces trois options: une interdiction de la Russie de participer aux Jeux de PyeongChang, une autorisation de participer mais sous drapeau et couleurs neutres, ou enfin une autorisation de participer sans conditions.

Dans l’attente de la décision du CIO, la Russie organise sa résistance. Elle le fait par la voix de Vladimir Poutine, très offensif depuis quelques jours, allant jusqu’à évoquer un complot des Etats-Unis pour influencer le résultat des prochaines élections russes. Elle le fait également par un moyen plus nuancé: en ralliant à sa cause un maximum de personnalités étrangères, athlètes ou dirigeants, du mouvement olympique.

Une consultante russe basée à Moscou a rassemblé les témoignages d’une dizaine d’entre eux, tous fermement opposés au scénario d’une suspension de la délégation russe dans sa totalité. Dans tous les cas, un même argument: en fermant la porte des prochains Jeux d’hiver à la Russie, le CIO sanctionnerait également les athlètes russes n’ayant jamais touché au dopage.

En tête de liste des sympathisants à la cause russe, le Canadien Bob Storey, président de la Fédération internationale de bobsleigh (FIBT) entre 1994 et 2010. « Il est vrai que les transgressions de dopage ont été nombreuses dans le passé, pas seulement en Russie, reconnait-il. Maintenant, beaucoup d’athlètes innocents qui ont travaillé toute leur vie pour obtenir le statut d’olympiens, risquent de devenir des victimes de toutes ces histoires passées. Il leur faut attendre la décision de politiciens et de technocrates pour savoir s’ils pourront aller aux Jeux de PyeongChang 2018. »

Autre son de cloche, mais même ressenti, chez le patineur de vitesse néerlandais Koen Verweij, champion olympique de la poursuite par équipes aux Jeux de Sotchi 2014: « J’ai vécu et je me suis entraîné avec des patineurs russes tout au long du dernier été, raconte-t-il. Ils ont été ouverts, je n’ai aucune suspicion à leur égard. Il serait très dur pour eux d’avoir à participer aux Jeux de PyeongChang sous un drapeau neutre. Le CIO devrait peut-être chercher une autre solution pour punir la Russie des crimes passés. »

Thomas Wassberg, l’une des légendes du ski de fond suédois, quadruple champion olympique entre Lake Placid 1980 et Calgary 1988, prend lui aussi la défense des athlètes russes. « J’ai une explication à tout cela: les athlètes russes sont plus critiqués que les autres, avance-t-il. Je ne sais pas, peut-être est-ce justifié, mais je crois que la plupart d’entre eux sont « propres », et ceux qui ne le sont pas ont déjà été disqualifiés. »