— Publié le 3 mars 2022

Pour l’IPC, la décision de la discorde

ÉvénementsInstitutions Focus

J – 1 pour les Jeux paralympiques d’hiver de Pékin 2022. L’événement ouvre vendredi 4 mars au Nid d’oiseau de la capitale chinoise. Il débute sur fond de guerre en Ukraine. C’était prévu. Il démarre aussi dans un climat de divisions au sein du mouvement paralympique. Ca l’était moins.

En cause, la décision annoncée mercredi 2 mars par le Comité international paralympique (IPC) d’autoriser la participation des athlètes russes et biélorusses. Certes, les deux délégations défileront sous bannière neutre. Leurs représentants ne pourront pas porter les couleurs de leur pays. L’hymne paralympique sera joué en cas de victoire. Ils ne figureront pas au tableau des médailles. Mais ils seront là. Ils seront au départ.

Pour les compétiteurs russes, la décision de l’IPC ne change rien. Ils étaient déjà engagés sous bannière neutre, comme aux Jeux de Tokyo 2020, conséquence de la suspension pour deux ans de la Russie du mouvement sportif international. Mais leur participation aux Jeux paralympiques de Pékin prend une toute autre dimension.

A la surprise de beaucoup, l’IPC n’a donc pas suivi la recommandation du CIO, publiée deux jours plus tôt, de bannir les athlètes russes et biélorusses. Souvent plus ferme que son pendant olympique, l’instance paralympique a opté pour une voie médiane. Elle condamne l’agression russe en Ukraine, mais sans punir les athlètes.

Andrew Parsons, le président de l’IPC, s’en est expliqué mercredi 2 mars en conférence de presse au Centre principal des médias de Pékin. « C’est un moment très difficile pour le monde et le mouvement paralympique, a expliqué le dirigeant brésilien, visiblement mal à l’aise face à une décision qui, a-t-il reconnu, n’a pas fait l’unanimité au sein du conseil de l’instance. Mais contrairement à leurs gouvernements respectifs, ces athlètes et officiels ne sont pas des agresseurs« .

Andrew Parsons a poursuivi : « Nous reconnaissons la gravité et l’ampleur de la situation, mais nous avons simplement essayé de suivre les règles et de séparer la politique du sport. » L’IPC le précise dans son communiqué : la neutralité politique figure parmi les piliers de sa nouvelle constitution, adoptée l’an passé en assemblée générale.

La décision de l’IPC est tardive. Elle intervient seulement deux jours avant le début des Jeux paralympiques, un moment où toutes les délégations sont arrivées en Chine. L’Ukraine, notamment, a rejoint la capitale chinoise mercredi, avec une délégation de vingt athlètes et neuf guides.

A vouloir attendre l’arrivée de tous les membres de son conseil pour trancher la question, l’instance paralympique s’est sans doute compliquée la tâche. Elle s’est réunie à un moment où les Russes et Biélorusses avaient déjà pris leurs quartiers dans les villages des athlètes, certains ayant même pris part aux premiers entraînements.

L’annonce de l’IPC a jeté un froid parmi les délégations étrangères. Les plus mécontents se sont fait entendre. Allemands et Britanniques, notamment. « Ne pas exclure ces deux délégations est incompréhensible, a déclaré Friedhelm-Julius Beucher, le président de la Fédération allemande des sports paralympiques. On argumente en fonction de règles, pendant qu’en Ukraine on tue sans aucune règle. Cette décision envoie un très mauvais signal. »

La Grande-Bretagne a condamné elle aussi la décision de l’IPC. La ministre de la Culture, Nadine Dorries, également en charge des Sports, a annoncé son intention de consulter les organisations sportives sur la meilleure façon de protester contre cette décision. « L’IPC doit se joindre au reste du monde pour condamner cette invasion barbare en interdisant aux athlètes russes et biélorusses de concourir« , a-t-elle insisté dans un communiqué.

Même incompréhension côté français. Son comité national paralympique (CPSF) a expliqué dans un communiqué que cette « décision, d’évidence difficile pour l’IPC, n’était pas celle souhaitée. Mais à deux jours du début des compétitions, il est grand temps de se concentrer sur le sport, par égard et respect pour les athlètes. »

La Suisse a reconnu elle aussi ne pas comprendre la position de l’IPC. Le Comité olympique et paralympique américain (USOPC) s’est déclaré « déçu » par l’annonce de la participation des athlètes russes et biélorusses. Le Canada a fait savoir qu’il envisageait de remettre en question l’adhésion des deux pays à l’IPC.

L’instance paralympique l’a annoncé par la voix de son porte-parole, Craig Spence : une assemblée générale extraordinaire sera organisée dans le courant de l’année 2022. Elle se penchera sur la question de la neutralité politique. « L’opportunité de faire du respect de la Trêve olympique une condition d’adhésion et de mettre fin à l’adhésion du Comité paralympique russe et du Comité paralympique biélorusse » sera soumise au vote.

L’IPC a également annoncé qu’elle n’organiserait plus aucun événement en Russie ou en Biélorussie jusqu’à nouvel ordre.