— Publié le 7 avril 2020

Russie 2018 et Qatar 2022, une odeur de pots-de-vin

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Crise sanitaire ou pas, la justice américaine ne referme pas ses dossiers. Ses dernières révélations font même l’effet d’une bombe.

Selon le réquisitoire du ministère américain de la Justice, rendu lundi 6 avril à New York, la Russie et le Qatar auraient versé des pots-de-vin à plusieurs membres de la FIFA, en échange de leurs voix dans l’attribution des éditions 2018 et 2022 du Mondial de football.

En soi, la nouvelle n’a rien d’un séisme. La Russie et le Qatar sont soupçonnés depuis plusieurs années d’avoir tenté de manipuler le vote de la FIFA, organisé en décembre 2010. Mais les accusations n’avaient jamais pu s’appuyer sur des preuves tangibles.

Un rapport commandé par la FIFA à l’ex-procureur américain Michael Garcia avait conclu en juin 2017 à des pratiques douteuses. Mais il n’avait pas fait mention d’actes de corruption. Il n’avait pas non plus suggéré une remise en question du vote d’attribution des deux tournois mondiaux.

Cette fois, le décor change. Selon l’acte d’accusation publié lundi, cinq dirigeants de haut rang de la FIFA, tous détenteurs du droit de vote, auraient touché des pots-de-vin.

Trois d’entre eux sont sud-américains. Ils auraient accepté de l’argent en échange de leurs voix pour le Qatar. Les deux premiers ne sont plus en état de se défendre. L’Argentin Julio Grondona est décédé en 2014. Le Paraguayen Nicolás Leoz a disparu en août dernier. Le troisième, Ricardo Teixeira, l’ancien président de la Fédération brésilienne de football (CBF), est réfugié dans son pays, où il peut échapper à la justice américaine, le Brésil et les Etats-Unis n’ayant pas d’accord d’extradition.

Le quatrième homme n’est pas un inconnu. Jack Warner, l’ancien président de la CONCACAF, la confédération de football d’Amérique du Nord, Centrale et des Caraïbes, aurait reçu 5 millions de dollars pour voter en faveur de la Russie. Le versement aurait été effectué par l’intermédiaire d’un réseau complexe de sociétés-écrans. Originaire de Trinité-et-Tobago, Jack Warner est sous le coup d’une demande d’extradition des Etats-Unis depuis 2015.

Enfin, l’enquête de la justice américaine cite Rafael Salguero, ancien président de la Fédération guatémaltèque de football, lui aussi ex membre du Conseil de la FIFA. Il aurait empoché un million de dollars pour apporter sa voix à la Russie.

Pour rappel, la Russie a été préférée à l’Angleterre et à deux autres candidatures, portées respectivement par la Belgique et les Pays-Bas pour l’une, l’Espagne et le Portugal pour l’autre. Le Qatar, désigné par la FIFA pour organiser le Mondial en 2022, a raflé la mise après avoir devancé le dossier présenté par les Etats-Unis.

Depuis ce vote appelé à entrer dans l’histoire la plus trouble du football mondial, plus de la moitié des dirigeants internationaux impliqués dans le suffrage ont été accusés de corruption ou d’irrégularités. En tête de liste, Sepp Blatter, alors président de la FIFA.

Pas moins de 45 personnes, physiques et morales, ont été inculpées à ce jour par la justice américaine dans le cadre de l’affaire dite du Fifagate. Au total, 26 accusés ont plaidé coupable. Mais, jamais encore depuis le début de l’enquête, un réquisitoire de justice n’avait formellement fait mention de pots-de-vin.