
« L’escrime choisit la paix. » Voilà la formule utilisée par la Fédération internationale d’escrime (FIE) le 11 juillet pour annoncer que les athlètes individuels neutres (AIN) sont désormais autorisés à participer à toutes ses compétitions officielles. Une main clairement tendue vers les athlètes russes et biélorusses. Si la FIE – qui a réélu Alicher Ousmanov, un proche de Vladimir Poutine, comme président l’an passé – souligne que cette décision marque son engagement « en faveur de la paix, de l’équité et de l’unité mondiale du sport », elle fait grincer des dents en Ukraine, où la guerre continue de faire rage.
La porte ouverte pour Tbilissi
Les athlètes neutres qui remplissent les critères d’éligibilité de la FIE ont maintenant le feu vert pour s’aligner aux Championnats du monde, qui se présentent dans les prochains jours à Tbilissi (22-30 juillet), et à l’ensemble des compétitions internationales. Le comité exécutif de la FIE venait justement de faire évoluer la procédure octroyant le statut d’AIN pour l’alléger. Jusque-là, les dossiers passaient devant une société de cybersécurité et un avocat indépendant, avant que la FIE prenne une décision. La procédure est désormais plus rapide et moins coûteuse puisqu’une simple déclaration sous serment de neutralité suffit pour présenter une candidature auprès du Groupe d’examen de l’éligibilité de la FIE.
« Notre approche est guidée par notre devoir de protéger les athlètes et de préserver l’intégrité des compétitions. Elle est fermement ancrée dans la Charte olympique et dans notre mission de sauvegarder les valeurs de l’escrime », explique le comité exécutif. « La FIE reconnaît que de nombreux athlètes se trouvent aujourd’hui dans des situations dont ils ne sont ni responsables ni ne contrôlent. La politique de la FIE vise à garantir qu’aucun athlète ne soit exclu de manière injuste, que tous les athlètes soient traités de manière équitable, que le sport reste un espace d’espoir, et non d’hostilité », peut-on lire sur le site de l’instance.
« Un outil de propagande »
La FIE a ainsi autorisé 17 hommes et 18 femmes sous statut neutre pour les épreuves individuelles des prochains Championnats du monde. Parmi eux, des stars, médaillées olympiques, comme Sofiya Velikaya, Yana Egorian et Olga Nikitina, pourtant liées au CSKA, un club moscovite lié au ministère de la Défense. « Quand la Russie viole les règles, plus personne n’est surpris. Mais quand la FIE couvre ces violations, c’est une gifle au visage du CIO et de ses recommandations, de la Charte olympique et de tous les escrimeurs, a réagi l’Ukrainienne Olga Kharlan sur Instagram. L’officier militaire Sofiya Velikaya, major dans l’armée russe, n’est pas seulement une escrimeuse. Elle est un outil de propagande au sein d’une énorme machine qui a justifié la guerre et les violences pendant des années. »
Le président de la fédération ukrainienne, Mykhailo Illiashev, en a remis une couche en soulignant que « tout ce processus de vérification de la neutralité des escrimeurs russes est une farce ». Ces Championnats du monde seront scrutés de près dans ce contexte, un an après les Jeux de Paris 2024, où seulement 15 athlètes russes étaient engagés, dans cinq disciplines différentes (canoë-kayak, cyclisme, gymnastique, natation et tennis). Les Russes pourront aussi prendre part aux compétitions par équipes, comme c’était le cas aux Championnats d’Europe en juin.
La FIE a fait le choix de relever presque toutes les barrières possibles, en argumentant : « Le sport a toujours été un puissant vecteur de réconciliation et de compréhension. La décision de la FIE répond à une conviction commune selon laquelle les athlètes ne doivent pas subir les conséquences d’événements géopolitiques qui échappent à leur contrôle, tout en reflétant l’esprit des orientations données par le CIO. La FIE estime que l’escrime doit continuer à unir, et non à diviser, et que chaque athlète qui embrasse la paix mérite une place dans notre famille. » Difficile à entendre en Ukraine, dont le peuple subit encore les frappes et les attaques de drones. En juin, la mission de l’ONU de surveillance des doits de l’homme en Ukraine a recensé 232 morts et 1.343 blessés. Un triste record mensuel depuis l’invasion russe en février 2022.