
Paris 2024 a eu la Seine et son lot de polémique sur la qualité de l’eau. Brisbane 2032 aura le Fitzroy, qui ne manque pas de faire parler lui aussi. Ses eaux sont en effet habitées par des crocodiles, ce qui a alimenté les fantasmes ces derniers mois. Son courant et les conditions de course font également débat au sein du Mouvement olympique. Le Premier ministre du Queensland, David Crisafulli, persiste malgré tout : les épreuves d’aviron et de canoë de vitesse auront bel et bien lieu à Rockhampton dans sept ans.
Des crocodiles déplacés en cas de nécessité ?
Le fleuve n’est pas étranger aux embarcations puisque l’équipe nationale d’aviron s’y entraîne régulièrement. Mais il n’est pas non plus étranger aux crocodiles. Un spécimen de 4 mètres de long avait été repéré dans le secteur en 2023 et le Fitzroy est connu pour être fréquentée par les reptiles. L’annonce du choix du site a immédiatement fait parler, et la Fédération britannique d’aviron s’en est amusée le 1er avril en publiant un article sur les meilleures manières de s’entraîner à ramer au milieu des reptiles.
« British Rowing a contacté des experts en reptiles et le conseil municipal de Salford pour explorer un nouveau plan audacieux visant à introduire des crocodiles dans la rivière Irwell afin d’améliorer la préparation de la prochaine génération de médaillés britanniques d’aviron. Dans le cadre de cette proposition, jusqu’à trois couples reproducteurs de crocodiles pourraient être déplacés à Salford Quays dans le courant de l’année », pouvait-on alors lire.
Nathaniel Reilly-O’Donnell, directeur du programme d’études de British Rowing, ajoutait même, avec ironie : « La meilleure préparation ne devrait pas être réservée à ceux qui ont les moyens d’accéder à leurs propres eaux infestées de crocodiles. Nous sommes là pour aider les jeunes de tous horizons à monter sur le podium et cette initiative fait partie d’un plan plus large visant à maintenir notre avantage de leader mondial dans la façon dont nous préparons les athlètes à la réussite internationale. » Au-delà des fantasmes, les rameurs qui fréquente le fleuve n’ont déploré aucun incident récent. David Crisafulli a aussi précisé que le gouvernement pourrait capturer et déplacer ces crocodiles en cas de besoin. Rien de véritablement préoccupant, donc.
La « menace » d’une délocalisation à Penrith
Un autre problème, bien plus épineux, se pose : celui des conditions de compétition. « Quand j’ai vu le site, j’ai pensé qu’il était très bien comme lieu d’entraînement, mais c’est une rivière, il y a un courant et ce n’est donc pas juste. Je ne vois pas comment World Rowing pourrait l’approuver », a commenté le Néo-Zélandais Ross Tong, médaillé olympique en 1984. Une préoccupation partagée par la Fédération australienne d’aviron.
« Evidemment, s’il y a du courant, la partie la plus profonde ou centrale de la rivière est généralement plus rapide que les côtés, soulignait Sarah Cook, directrice générale de Rowing Australia, en mars. Un parcours d’aviron ayant huit à dix couloirs de large, les couloirs du milieu seraient plus rapides que les couloirs extérieurs, ce qui serait injuste pour les concurrents. » En août 2024, les Championnats scolaires d’Etat, prévus à Rockhampton, avaient aussi dû être déplacés à cause de fortes pluies. Un argument de plus dans la besace des défenseurs d’une autre option.
Le rapport de l’Autorité indépendante chargée des infrastructures et de la coordination des Jeux (GIICA) préconisait que les compétitions se déroulent au centre international de Sydney, à Penrith, comme en 2000. La piste du lac Wyaralong avait aussi été étudiée. Le Premier ministre australien Anthony Albanese s’est lui-même interrogé en juin : « Allons-nous vraiment faire de l’aviron à Rockhampton, sur le Fitzroy, alors qu’il y a de très bonnes installations à Penrith ? »
L’idée ne plaît évidemment pas à Crisafulli, peu enclin à laisser filer une partie des épreuves à un autre Etat que le Queensland. « Rocky a accueilli des championnats d’aviron depuis longtemps. Si le site est assez bien pour que les enfants de Central Queensland concourent ici, c’est certainement assez bon pour que Pierre de Paris puisse y concourir », a-t-il glissé la semaine passée, comme le rapporte le Brisbane Times. World Rowing doit se rendre sur place prochainement afin d’évaluer le site et les conditions de compétition. La FI se montrait prudente en mars, rappelant que « le Fitzroy n’avait pas fait l’objet d’une étude de faisabilité technique qui confirmerait sa capacité à accueillir des courses de niveau national ou international ». Les hommes politiques ont leur idée en tête mais sur ce coup, c’est bel et bien le sport qui donnera le cap.