— Publié le 20 mai 2025

« Le hockey sur glace a un potentiel de développement extraordinaire »

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En octobre dernier, un nouveau membre a rejoint la famille du hockey sur glace : le Kenya, qui est devenu le cinquième pays africain – après l’Algérie, le Maroc, l’Afrique du Sud et la Tunisie – à rejoindre l’IIHF. Un acte fort quant à la capacité et l’ambition de la Fédération internationale d’implanter son sport dans de nouveaux territoires. Dans la deuxième partie de son entretien, Luc Tardif se confie sur sur cette expansion géographique, sur les perspectives du hockey 3×3 – qui pourrait intégrer le programme olympique en 2030 – et sur l’hypothèse d’un deuxième mandat.


Où en est le hockey 3×3 en termes de développement ?

On l’a déjà expérimenté aux Jeux olympiques de la Jeunesse en 2020 et en 2024. Le CIO voulait voir ce que ça donnait en mode compétition. Avec le succès des nouveaux formats aux Jeux de Paris – le rugby à VII, le basket 3×3, le beach volley avant – on voit des formules qui sont peut-être plus adaptées aux nouvelles générations, et aussi à des pays en développement. En rugby à XV, on n’aurait jamais vu les Fidji sur un podium, mais en rugby à VII ils y sont. Le Kenya a même battu la France lors d’une session des Sevens Series. Il y a une ouverture vers les pays en développement. Partout dans le monde, beaucoup de patinoires ne sont pas aux dimensions pour faire des compétitions traditionnelles. C’est le cas en Amérique du Sud par exemple, donc on fait des démonstrations de 3×3. On sera aux JOJ en 2028, et il y a des discussions en ce qui concerne 2030 et 2034. Il y a eu des changements au CIO donc on est dans l’attente de continuer avec les nouvelles équipes.

Vous réfléchissez à des événements mixtes, comme le CIO semble pousser de plus en plus dans cette direction ?

Ce sera possible avec le 3×3 justement, on l’a prévu adaptable. Tu peux t’arranger pour qu’il y ait des équipes mixtes, sans confrontation garçons-filles. On va d’abord essayer de développer les garçons d’un côté et les filles de l’autre, mais on garde l’idée de faire des essais en tête.

L’IIHF compte 84 fédérations membres. Vous avez de la marge pour aller un peu plus haut, peut-être vous rapprochez des 100 ?

Oui. Pour être membre actif, il y a des conditions à remplir, dont la présence de patinoires. Beaucoup s’en construisent. Il y a eu un gros boom en Chine avant les Jeux. On a inauguré une patinoire en Indonésie, il y en a aussi aux Philippines, en Thaïlande… Il commence à y avoir du hockey partout. Dans le nord de l’Afrique, il y a deux patinoires au Maroc. Notre dernier membre, c’est le Kenya, alors qu’on n’imagine pas forcément du hockey là-bas ! On a fait un Championnat du monde féminin en Nouvelle-Zélande. Les pays du Golfe s’y mettent, il y a trois ou quatre patinoires aux Émirats, le Koweït en a construit deux. Les Jeux asiatiques d’hiver auront lieu en Arabie saoudite en 2029. C’est vraiment un sport qui s’étend un peu partout. On a des cibles avec des bassins de population en Chine, en Indonésie, en Inde… Le hockey est un sport moderne, rapide, physique. Il y a un potentiel de développement extraordinaire. Je dis souvent que si le développement du hockey dépendait de la Finlande, on serait mal car la Finlande, c’est 4,5 millions d’habitants et ils sont déjà 90 % à regarder ou jouer au hockey. Ce n’est pas là qu’on va progresser, même si on a besoin d’eux. Notre rôle de FI est d’aller là où le hockey n’est pas présent, de semer la graine et de faire en sorte que ça devienne un sport international.

Vous citez les Jeux asiatiques d’hiver en Arabie saoudite, qui sont très critiqués sur le plan environnemental. L’IIHF peut-elle intervenir dans ce genre de contextes pour s’assurer que certains pays ne fassent pas n’importe quoi ?

On ne peut pas les empêcher de construire une patinoire, mais on peut être de bon conseil. On a un comité « infrastructures » pour bien construire et limiter les coûts d’exploitation. On commence à avoir notre petite expérience. On est de plus en plus performant dans le maintien de la glace à moindre coût, avec des gaz réfrigérants qui ne sont pas nocifs pour la nature. Pendant les Jeux, les Chinois ont utilisé du CO2 comme gaz réfrigérant. On travaille aussi pour avoir des patinoires à émission zéro – à Oslo, à Chamonix. On fait pas mal de progrès.

« Il nous reste encore un an, on aura rempli à peu près 90 % des objectifs de notre plan stratégique pour 2026. »

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Votre mandat prendra fin l’an prochain. Vous êtes content de ce que vous avez réussi à mettre en place jusque-là ?

Je n’ai pas été gâté avec le Covid, la guerre en Ukraine, la guerre en Israël, les grosses ligues qui viennent sur notre marché… Les conditions était difficiles. On avait mis en place un plan stratégique, mais on a souvent dû gérer les urgences. On a retrouvé un rythme à peu près normal et sur l’ensemble de ce qu’on avait dit, je suis très content. Il nous reste encore un an, on aura rempli à peu près 90 % des objectifs de notre plan stratégique pour 2026. J’aurais simplement voulu avoir un peu plus de temps, être un peu moins le nez dans le guidon, pour préparer l’avenir. Je suis fier de ce qu’on a fait dans ce contexte-là, alors je n’ose imaginer ce qu’on peut faire dans un contexte normal.

Si vous voulez plus de temps, il faudra vous présenter pour un deuxième mandat !

Effectivement ! J’ai toujours dit que j’attendrais début 2026 pour prendre une décision. Huit ans comme j’ai fait ces quatre années… Il faut y réfléchir. Pour l’instant, je ne me pose pas la question. On verra où on en est, comment je serai physiquement et psychologiquement. Il faut prendre tout ça en considération. La famille aussi, qui ne m’a pas beaucoup vu pendant ces quatre ans. Si je n’y vais pas, il ne faut pas que ce soit le chaos, il faut que la fédération puisse s’adapter. Je me suis fixé cette idée de trancher en janvier 2026, neuf mois avant l’échéance.