— Publié le 2 mai 2024

Une plateforme pour en finir avec les sièges vides

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Douze ans après les faits, le souvenir reste présent. Aux Jeux de Londres 2012, une polémique a été déclenchée en Grande-Bretagne par les images relayées par les diffuseurs de centaines de sièges vides pour des sessions pourtant affichées sold-out (photo ci-dessus). Sebastian Coe, le président du comité d’organisation, avait tenté de s’en expliquer, assurant que les places inoccupées avaient été allouées à la « famille olympique », très sollicitée en début d’événement.

Les Jeux de Paris 2024 sont-ils menacés du même phénomène ? FrancsJeux a interrogé un expert, Bernard Spruytte, directeur commercial de Seaters, une entreprise belge spécialisée dans l’allocation de places aux partenaires et invités dans les grands événements sportifs.

FrancsJeux : Pourquoi observe-t-on parfois des sièges vides, souvent en grandes quantités, dans des événements sportifs pourtant affichés complets ?

Bernard Spruytte : La raison est double. Un organisateur d’événement affiche complet lorsqu’il a distribué la totalité de ses billets. Mais les places ne sont pas toutes vendues, certaines sont allouées à des partenaires, des collectivités, des instances. Pour les Jeux de Paris 2024, par exemple, le COJO en a attribuées aux comités nationaux olympiques, aux fédérations internationales… Mais ces « intermédiaires » ne les distribuent pas forcément toutes, ou en tous cas pas toujours de façon pertinente. Et là intervient la deuxième raison : une allocation des places, notamment par les partenaires, qui n’est pas optimisée.

C’est à dire ?

Beaucoup de marques distribuent les billets à des clients sans forcément leur demander leur avis. Dans notre jargon, nous appelons cela un « push unilatéral ». L’allocation des places gratuites ne tient pas compte des goûts ou de la disponibilité du destinataire. Par exemple, on lui attribue deux places pour l’équitation un jeudi, alors qu’il est un fan de VTT et peut se rendre disponible le mercredi. Cette méthode de distribution à sens unique génère les « no-show » car il n’en faut souvent pas beaucoup – le mauvais temps, un impératif familial ou professionnel – pour finalement renoncer à se rendre au stade.

Les Jeux de Londres en 2012 ont-ils été victimes de ce phénomène ?

Tout à fait. Les organisateurs affichaient complet, les Anglais ne pouvaient plus acheter de places et le regrettaient. Mais à la télévision, des tribunes entières restaient presque vides. C’est ce qu’on a appelé le scandale des sièges vides. Les invités, qu’ils soient clients d’une marque, VIP, famille ou amis des athlètes, ne sont pas tous venus. Notre société, Seaters, a été créée après cette affaire, avec l’ambition de mettre en place un système qui évite tous ces sièges vides.

Comment procédez-vous ?

Nous avons inversé le processus. Il n’est plus question pour les détenteurs de lots de places – sponsors, fédérations, comités olympiques… – de distribuer les billets de façon unilatérale, sans tenir compte des envies des destinataires. Nous avons développé une plateforme sur laquelle il est possible, pour la personne invitée, d’exprimer ses goûts et ses préférences. D’une part, les destinataires de billets ont accès à un catalogue de places disponibles. Il peut leur être proposé dans sa totalité, ou seulement en partie, selon leur statut. Et grâce à l’invitation à choix multiple, l’invité peut lui-même choisir à quelles sessions et à quelles dates il souhaite venir. D’autre part, chaque utilisateur a la possibilité de communiquer ses préférences dans son profil. Pour les Jeux de Paris 2024, par exemple, le comité olympique français (CNOSF) et certaines fédérations utilisent cette méthode. Enfin, nous avons imaginé un deuxième niveau d’allocation des places, en phase avec la responsabilité sociale des entreprises (RSE). Il permet de distribuer des billets qui n’auraient pas trouvé preneurs aux employés des partenaires, par exemple, ou à un public défavorisé. Aux Pays-Bas, l’un de nos clients attribue ainsi des billets à des personnes âgées, dans le cadre d’une communication sociale et solidaire. La plateforme permet également une transparence et une traçabilité totale de l’utilisation des billets. Une donnée extrêmement importante pour tous nos partenaires.

Les Jeux olympiques de Paris 2024 constituent-ils un événement à risque ?

Je ne pense pas. Le succès de la billetterie démontre le contraire. On fera les comptes à la fin, car l’événement est d’une ampleur unique. Nous travaillons sur les Jeux de Paris 2024 avec différents acteurs et un certain nombre de fédérations françaises. A ce stade, le taux de remplissage est très positif.

Les Jeux paralympiques de Paris 2024 se vendent pour l’instant nettement moins bien. Verra-t-on des tribunes vides ?

Notre offre couvre les deux événements. Pour les Jeux paralympiques, nous réfléchissons avec certaines parties prenantes à des idées et solutions qui permettraient de faciliter la distribution des places. Une des pistes envisagées est d’ouvrir la plateforme Seaters au plus grand nombre et de donner accès aux « listes de réservistes », composées de personnes ayant clairement exprimé leur envie d’assister aux sessions paralympiques. Elles pourraient « boucher » des trous, même en dernière minute.