— Publié le 13 février 2023

Sur la question russe, Thomas Bach reprend le micro

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Une crise chasse l’autre dans le mouvement olympique. Sanitaire avant les Jeux de Tokyo 2020 et Pékin 2022, elle est devenue géopolitique pour les Jeux de Paris 2024.

Dans le deux cas, le sujet occupe toute l’actualité, au point de repousser les athlètes dans le fond des coulisses. Mais, à la différence du long feuilleton COVID-19, où les circonstance ont imposé un certain consensus sur les décisions à prendre, la question russe divise et fracture.

Les derniers épisodes ont encore renforcé la tendance : le mouvement olympique fait front pour un éventuel retour des athlètes russes et biélorusses dans les compétitions internationales, alors que les cercles politiques s’activent pour leur faire obstacle.

En tête de cortège, dans le premier camp : le CIO et son président, Thomas Bach. Présent dimanche 12 février aux Mondiaux de ski alpin à Courchevel, le dirigeant allemand n’a pas pu échapper aux questions sur le dossier russe. Il y était préparé. Il en a profité pour reprendre le micro.

En réponse aux propos du président ukrainien, Volodymyr Zelensky, accusant le CIO d’être un « promoteur de la guerre », Thomas Bach a assuré que les athlètes ukrainiens « savent à quel point nous partageons leur souffrance. » Puis il a répété une nouvelle fois que la décision d’inviter ou non une délégation à une compétition internationale, dont les Jeux olympiques, ne revenait pas aux gouvernements.

« J’ai discuté avec de nombreux sportifs ukrainiens ces derniers mois, et beaucoup d’entre eux nous soutiennent parce qu’ils savent à quel point nous partageons leur souffrance et les efforts que nous faisons pour les aider, a plaidé Thomas Bach. Un rapporteur du Conseil des droits de l’homme des Nations unies nous a dit que l’exclusion d’athlètes russes ou biélorusses seulement en raison de leur passeport est une violation de leurs droits. Certaines déclarations, venant de pays baltes ou d’autres pays, expriment leurs inquiétudes. Mais ils n’abordent pas le problème des droits humains, que nous devons considérer avec sérieux. »

Pragmatique, Thomas Bach en a également profité pour remettre tous les wagons dans le bon ordre. « Nous sommes en cours de discussion, mais nous ne parlons pas encore de Paris, a-t-il ajouté. Nous discutons des compétitions sportives devant se disputer cette année. Le sujet de Paris 2024 viendra plus tard. »

Thomas Bach n’a pas été le seul membre du CIO à s’exprimer, au cours du weekend, sur la délicate question des athlètes russes. Moins attendu, l’ex biathlète français Martin Fourcade s’y est également risqué. Lui aussi s’est rangé dans le camp de leur éventuel retour sur la scène internationale. Il l’a fait en multipliant les précautions, réservant son point de vue à un seul média, la chaîne de télévision norvégienne NRK, et exigeant que son interview – en anglais – soit diffusée dans son intégralité.

« En tant que représentant des athlètes et en tant que sportif, je pense que nous devrions réfléchir à un retour des athlètes russes et biélorusses dans les compétitions sportives, a expliqué Martin Fourcade, élu en février à la commission des athlètes du CIO, et par ailleurs président de la commission des athlètes du COJO Paris 2024. Je crois vraiment dans les valeurs du sport, et je pense vraiment que personne ne devrait être interdit de compétition à cause de son passeport ou sa nationalité. Les athlètes russes et biélorusses devraient être en mesure de concourir. Quand ? C’est une autre question. Et je ne suis pas celui qui décidera ou qui doit dire qu’ils devraient concourir à Paris. Mais pour moi, Paris ou pas Paris, ce n’est pas la question. Ma position n’est pas liée à une date ou à la prochaine Coupe du Monde. »

Martin Fourcade a poursuivi en expliquant soutenir totalement le peuple ukrainien et être « 100 % avec eux » dans cette « guerre horrible ». Le Français insiste : « Il n’y a pas une part de moi qui comprend le gouvernement russe (…) Je me suis battu contre la Russie toute ma carrière sur les questions de dopage (…) J’ai parfois eu peur (…) parce que vous ne savez jamais ce qui pourrait se produire. Je ne laisserai personne dire que je suis pro-russe. Je ne le suis pas et je pense que ce que j’ai fait dans le passé le prouve. »

Enfin, l’ancien biathlète a confié que le sujet divisait les membres de la commission des athlètes du CIO. « Ce n’est pas comme s’il y avait une majorité claire de oui ou de non, a-t-il expliqué à la NRK. C’est vraiment équilibré. »

Dans le camp d’en face, les leaders politiques tentent de jouer la cohésion. Jamais simple. A l’initiative de la Grande-Bretagne, une trentaine de ministre des sports ont été réunis par visioconférence, vendredi 10 février. Selon le gouvernement britannique, la France, l’Allemagne et la Pologne, mais aussi les Etats-Unis et le Canada, ont participé à l’entrevue. Aucune position commune n’en est sortie. Mais Lucy Frazer, la secrétaire britannique à la Culture, a fait savoir qu’un communiqué signé par les participants serait prochainement envoyé au CIO.

Le président ukrainien, Volodymyr Zelensky, s’est invité au débat. Sans surprise, il a choisi la ligne dure. « Tandis que la Russie tue et terrorise, les représentants de cet Etat terroriste n’ont pas leur place dans les compétitions sportives et olympiques, a-t-il plaidé. La simple présence de représentants de l’Etat terroriste est une manifestation de violence et d’impunité. Et cela ne peut pas être couvert par une prétendue neutralité ou un drapeau blanc. Si les sports olympiques étaient de tuer et frapper avec des missiles, alors vous savez quelle équipe nationale occuperait la première place. »

Kamil Bortniczuk, le ministre polonais des sports, a expliqué de son côté aux médias de son pays, au terme de la réunion en visioconférence, avoir proposé une idée très inattendue : la création d’une équipe de réfugiés qui « permettrait aux personnes de nationalité russe ou biélorusse, dissidentes face aux régimes respectivement de Poutine et de Loukachenko, de participer » aux Jeux olympiques ». Selon lui, une telle option constituerait « la seule possibilité pour les athlètes russes et biélorusses de concourir à Paris 2024 sous le drapeau de réfugiés ». Elle pourrait éviter un boycott des Jeux par les pays les plus opposés à la présence de Russes et Biélorusses sous drapeau neutre.