— Publié le 19 janvier 2023

Gangwon 2024, avec ou sans neige

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L’initiative est inédite. Elle en dit long sur l’attention portée par la Corée du Sud – et les moyens consentis – pour prolonger l’héritage des Jeux d’hiver de PyeongChang 2018.

Ouverte en mai 2019 à la demande des autorités du pays et de la province de Gangwon, la Fondation du patrimoine de PyeongChang (PyeongChang 2018 Legacy Foundation) a invité l’an passé près d’une centaine de jeunes athlètes africains à découvrir et s’initier aux sports d’hiver. Avec l’ambition de leur offrir une chance de participer aux Jeux d’hiver de la Jeunesse de Gangwon 2024 (19 janvier au 1er février).

Président de l’Association tunisienne de hockey sur glace, Ihab Ayed a accompagné la délégation de son pays tout au long de l’aventure. A une année pile de l’ouverture des JOJ d’hiver 2024 à Gangwon, il a raconté à FrancsJeux une expérience qui pourrait changer à jamais l’avenir olympique de nombreux pays africains, où les Jeux d’hiver ont toujours été perçus comme un événement lointain et inaccessible.

FrancsJeux : Quel a été le point de départ de cette initiative de détection de jeunes talents africains pour les Jeux de la Jeunesse d’hiver 2024 à Gangwon ?

Ihab Ayed : L’idée est venue de la Corée du Sud. Elle s’inscrit dans la démarche d’héritage des Jeux d’hiver de PyeongChang en 2018. La Fondation PyeongChang a conclu un accord de partenariat avec l’Association des comités nationaux olympiques africains (ACNOA). Un appel a ensuite été lancé par l’ACNOA à tous les comités nationaux olympiques du continent, pour identifier des jeunes ayant un intérêt pour les sports d’hiver ou un minimum de pratique. Le CNO tunisien m’a contacté, en ma qualité de président de l’Association nationale de hockey sur glace, seule entité du pays dédiée aux sports d’hiver. J’ai alerté mes connaissances, j’ai utilisé les réseaux sociaux. J’ai fini par identifier huit jeunes Tunisiens, nés entre 2006 et 2009, pour répondre à la demande de la Corée du Sud.

Quelle suite a-t-elle été donnée à l’opération ?

Elle a été très concrète et parfaitement organisée. Nous avons été invités par la Fondation à un stage d’été de deux semaines à PyeongChang, du 28 mai au 13 juin 2022. Il a rassemblé plus de 80 jeunes Africains, venus de nombreux pays, comme l’Algérie, l’Ethiopie, le Soudan, le Lesotho, la Sierra Leone et l’Afrique du Sud. Un stage très intensif, où les Sud-Coréens ont soumis tous les jeunes à des tests physiques, en début et fin de séjour, pour évaluer les progrès. Ils nous ont proposé un programme de découverte des sports d’hiver en version été – bobsleigh, ski alpin, luge, ski de fond à roulettes… Les séances étaient parfois très spécifiques, animées par les entraîneurs nationaux des fédérations sud-coréennes concernées. Les soirées étaient consacrées à des activités plus culturelles, une découverte de la Corée du Sud, des sessions d’éducation au dopage, à la gestion de la compétition.

Comment le programme a-t-il été financé ?

La Corée du Sud a pris la totalité des frais à sa charge. Pour les CNO africains, tout était entièrement gratuit, y compris le voyage et les transferts. Nous étions logés au village des athlètes des Jeux de PyeongChang 2018.

L’expérience a-t-elle été poursuivie dans des conditions plus hivernales, sur la neige et la glace ?

En septembre, les Coréens ont communiqué à l’ACNOA une liste d’une quarantaine de jeunes retenus pour continuer l’aventure. Pour la Tunisie, nous sommes passés de huit stagiaires à quatre : une fille et un garçon en bobsleigh, une fille en skeleton et un garçon en ski alpin. Cette sélection resserrée a été invitée à un deuxième regroupement d’une dizaine de jours à PyeongChang, à la fin du mois de décembre dernier. Etaient également invités des pays non présents au premier rassemblement, comme les Comores, l’Ouganda, le Cap Vert et l’eSwatini (anciennement Swaziland). Cette fois, le programme se voulait plus spécifique, chacun des jeunes devant se concentrer sur son seul sport, avec un encadrement encore assuré par les entraîneurs de l’équipe olympique sud-coréenne.

Les jeunes Africains retenus participeront-ils tous aux JOJ d’hiver l’an prochain à Gangwon ?

Pas forcément. Il leur faudra, comme aux jeunes athlètes du reste du monde, décrocher leur sélection. Elle passera par la participation à des compétitions internationales, pour gagner des points et décrocher les quotas. La Corée du Sud ne décide pas de la participation aux JOJ 2024, elle est du ressort des fédérations internationales. Mais son initiative donne leurs chances à des pays sans neige et à des athlètes jusque-là très éloignés des sports d’hiver. Mais c’est aussi la raison d’être des Jeux de la Jeunesse.

Une participation de la Tunisie aux JOJ 2024 à Gangwon est-elle aujourd’hui réaliste ?

Bien sûr. Mais, le pays ne comptant aujourd’hui aucune fédération nationale dans les sports d’hiver, la route de Gangwon 2024 passe par une affiliation du comité olympique tunisien aux instances internationales, la FIS pour le ski alpin, l’IBSF pour le bobsleigh et le skeleton. La démarche doit être initiée et validée au plus vite.

Quel rôle a joué l’ACNOA dans l’initiative de la Corée du Sud ?

Un rôle moteur. Mustapha Berraf, le président de l’ACNOA, a négocié le projet et ses conditions avec la Fondation PyeongChang, puis signé l’accord de coopération. L’instance a ensuite dynamisé les CNO pour qu’ils répondent à l’invitation. Une représentante de l’association, la Sud-Africaine Ezera Tshabangu, était présente tout au long du stage. L’ACNOA a assuré un vrai suivi et une promotion du projet, avec la volonté de voir un maximum de jeunes Africains aux JOJ 2024.