— Publié le 17 janvier 2023

Les droits médias des Jeux, un accord et deux gagnants

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Thomas Bach pourra quitter son bureau de la Maison olympique, en 2025, avec la satisfaction du devoir accompli. Certes, le dirigeant allemand n’a pas réussi à empêcher l’assèchement des campagnes de candidature aux Jeux d’hiver. Mais il laissera à son successeur un dossier bouclé jusqu’en 2032 pour les droits de télévision.

Le CIO a annoncé en roulant des mécaniques, lundi 16 janvier, avoir attribué les droits médias pour l’Europe des quatre prochaines éditions des Jeux olympiques, entre Milan-Cortina 2026 pour l’hiver et Brisbane 2032 pour l’été.

L’attribution est double : l’Union européenne de radio-télévision (UER) hérite de la partie en clair, donc gratuite, tandis que le groupe américain Warner Bros. Discovery, propriétaire d’Eurosport, conserve les droits médias pour une diffusion payante.

Fidèle à son habitude, le CIO n’a pas dévoilé le montant de l’accord. Il le fait pourtant pour les Etats-Unis, fier d’annoncer que le groupe NBCUniversal a payé 7,65 milliards de dollars pour les droits exclusifs sur le marché américain entre 2021 et 2032. Mais pour l’Europe, motus.

Rien de nouveau sous le soleil ? En apparence, seulement. L’accord annoncé lundi 16 janvier modifie en réalité quelque peu la donne, même si le changement ne sera pas visible pour le public des Jeux.

Le contrat précédent, valable des Jeux de PyeongChang 2018 à ceux de Paris 2024 inclus, avait été conclu en 2015 entre le CIO et Discovery. Il accordait au groupe américain les droits européens exclusifs des Jeux, en échange d’un chèque de 1,3 milliard d’euros, charge lui revenant de les rétrocéder aux chaînes nationales intéressées. Et, si possible, faire grimper les enchères afin de rentabiliser son investissement.

En France, le groupe public France Télévisions avait dû batailler ferme pour écarter deux concurrents, TF1 et M6, de la course aux droits des Jeux de Paris 2024. Le montant n’a pas été communiqué, mais il aurait dépassé les 100 millions d’euros pour Pékin 2022 et Paris 2024.

Cette fois, changement de stratégie. L’UER et Warner Bros. Discovery ont présenté une offre commune pour répondre à l’appel d’offres lancé par le CIO. Elle concernait 49 pays du continent, pour les JO d’hiver 2026 de Milan-Cortina, ceux d’été de Los Angeles en 2028, les Jeux d’hiver de 2030 non encore attribués, et enfin le rendez-vous estival à Brisbane en 2032. Quatre éditions olympiques, dont une seule – Milan-Cortina 2026 – disputée sans décalage horaire pour l’Europe. L’appel d’offres comprenait également les Jeux de la Jeunesse au cours de la même période.

Le ticket UER-Warner Bros. Discovery s’est révélé gagnant. Il a étouffé dans l’oeuf les ambitions des plateformes numériques et des GAFA, pourtant potentiellement capables d’offres financières difficiles à concurrencer pour des chaînes publiques.

A partir de 2026, chaque membre de l’UER diffusera plus de 200 heures de couverture des Jeux olympiques d’été et au moins 100 heures des Jeux olympiques d’hiver à la télévision, « avec une large couverture radio, des diffusions en direct et des reportages sur le web, sur les applications et les plateformes de médias sociaux. »

Pour l’UER, l’accord conclu avec le CIO sonne comme une victoire. Sa présidente, Delphine Ernotte Cunci, par ailleurs PDG de France Télévisions, ne s’en cache pas : « Cet accord change la donne pour les médias du service public et témoigne de la force et de la solidarité constantes dont fait preuve notre Union. Grâce à ses membres, l’UER peut toucher plus d’un milliard de téléspectateurs en Europe via des plateformes linéaires et non linéaires. Cet accord garantira aux Jeux l’audience la plus large possible en Europe. »

Warner Bros. Discovery, en revanche, perd l’exclusivité des droits européens. Il doit abandonner la perspective de les revendre en réalisant un profit. Mais le groupe américain peut lui aussi bomber le torse. Il continuera, selon ses propres termes, à être le seul à présenter « chaque moment » des Jeux sur ses plateformes numériques et de streaming, dont discovery+. Il reste aussi le seul détenteur des droits de télévision payante, y compris pour ses chaînes Eurosport. Pas une mauvaise affaire.