— Publié le 2 décembre 2022

Au Japon, les langues se délient

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Elle était restée dans l’ombre, à l’écart de l’affaire. Elle a rompu le silence. Seiko Hashimoto, la présidente du comité d’organisation des Jeux de Tokyo 2020 – et ex ministre olympique – s’est exprimée pour la première fois jeudi 1er décembre sur le scandale de corruption lié au dernier rendez-vous olympique et paralympique d’été.

Ses propos devant la presse n’inverseront pas le cours de l’enquête, dans un sens ou dans l’autre. Mais la multiple olympienne, arrivée à la tête du comité d’organisation quelques mois seulement avant les Jeux de Tokyo 2020, n’en a pas fait mystère : l’affaire est sérieuse. Plus grave : elle jette une ombre sur Tokyo 2020. Et, par extension, sur l’image de l’olympisme au Japon à un moment où Sapporo semble toujours mener la course pour l’attribution des Jeux d’hiver en 2030.

« Cela semble très grave, a suggéré Seiko Hashimoto à une question des médias japonais sur l’impact du scandale de corruption sur la candidature de Sapporo. L’importance et la valeur des Jeux de Tokyo sont remises en question. »

Pour Seiko Hashimoto, il est primordial pour le Japon de faire toute la lumière sur les allégations de corruption le plus rapidement possible, afin de laisser Sapporo 2030 poursuivre sa campagne sans avoir à en traîner le boulet.

Pour rappel, les procureurs de Tokyo enquêtent depuis plusieurs mois sur des soupçons de corruption liés à certains contrats de marketing signés entre le comité d’organisation et plusieurs partenaires ou supporteurs officiels des derniers Jeux d’été.

L’enquête s’est longtemps concentrée sur un seul homme, Haruyuki Takahashi, ex patron de l’agence Dentsu et ancien membre du conseil d’administration de Tokyo 2020. Il est accusé d’avoir touché des pots-de-vin, pour un montant total estimé à près de 1,4 million d’euros, en échange de son influence dans les négocations entre le comité d’organisation et certains partenaires privés des Jeux.

Depuis le mois dernier, l’affaire s’est déplacée sur un autre terrain, celui de l’attribution des marchés de l’organisation des test-events, les épreuves pré-olympiques avant les Jeux de Tokyo. Les derniers épisodes du feuilleton ont révélé qu’un grand nombre d’entre eux auraient été attribués sans appels d’offres, ou au terme d’appels d’offres truqués. Pas moins de 26 marchés auraient été ainsi distribués, entre mai et août 2018, pour les droits de 56 épreuves pré-olympiques.

Gênant ? A coup sûr. Mais, surprise, la manoeuvre aurait été décidée avec la bénédiction du CIO.

L’agence Kyodo News rapporte, sur la foi d’une source anonyme mais proche du dossier, que le comité d’organisation des Jeux de Tokyo 2020 aurait partagé avec l’instance olympique les détails sur la façon dont il entendait sélectionner les prestataires en charge de l’organisation des test-events.

Au mois d’avril 2018, les organisateurs japonais auraient informé le CIO lors d’une réunion de travail de leur intention d’attribuer les contrats pour l’organisation des épreuves tests à des sociétés ayant une expertise reconnue dans la gestion d’événements sportifs. Ils auraient également précisé, au cours de la même réunion, leur intention de leur confier ensuite la gestion des mêmes épreuves aux Jeux olympiques et paralympiques.

Au total, le montant cumulé des contrats s’élève à 20 milliards de yens (environ 140 millions d’euros au cours actuel).

Selon la source citée par Kyodo News, le comité d’organisation aurait justifié auprès du CIO sa démarche, contraire aux règles de l’attribution des marchés, par la nécessité de réussir les Jeux.