— Publié le 24 octobre 2022

« On n’entre pas au CIO pour défendre sa fédération internationale »

Institutions Focus

Il est l’un des derniers entrés dans la famille du CIO. Mais certainement pas le moins visible. David Lappartient, 49 ans, président de l’Union cycliste internationale (UCI) depuis septembre 2017, a été élu membre de l’instance olympique lors de la session organisée en marge des Jeux d’hiver de Pékin 2022.

Le dirigeant français était récemment l’invité de Prolongations, le rendez-vous du GIE France Sport Expertise. A cette occasion, il a confié à FrancsJeux sa vision de l’olympisme, raconté ses premiers mois comme membre du CIO, et évoqué l’avenir du cyclisme aux Jeux d’été.

FrancsJeux : Qu’avez-vous découvert du CIO depuis votre élection comme nouveau membre, lors de la dernière session de l’instance aux Jeux d’hiver de Pékin 2022 ?

David Lappartient : Je connaissais le CIO, j’assistais aux sessions en ma qualité de président de l’UCI. En devenir membre permet d’être mieux reconnu, de se sentir réellement appartenir à cette grande famille. Pour le reste, la différence n’est pas très grande, sinon que je peux maintenant m’exprimer, j’ai accès à des documents et des informations qui ne sont pas disponibles pour les présidents de fédération internationale. Depuis mon élection en février dernier, il n’y a pas eu de nouvelle session. Mais ma qualité de membre du CIO s’accompagne de nouvelles positions dans le mouvement olympique : je suis membre du conseil d’administration du CNOSF et je siège au conseil d’administration du COJO Paris 2024.

Au sein du mouvement olympique, quels sont les domaines qui vous intéressent le plus ?

Je préside le groupe de liaison sur l’e-sport et les jeux vidéo, je suis membre des commissions de l’entourage des athlètes, et de l’engagement numérique et communication marketing. Ces sujets m’intéressent. Mais, plus largement, je me sens très concerné par le développement des valeurs portées par le sport, et tout ce qui peut être fait à travers ces valeurs, notamment aujourd’hui en Afghanistan et en Ukraine. Les Jeux ne sont finalement qu’un outil au service de cet idéal. Ils ont été conçus avec cet esprit. J’aime aussi la diplomatie par le sport. A l’UCI, nous avons été leaders dans l’effort international pour évacuer des athlètes et officiels d’Afghanistan après la prise de Kaboul par les Talibans. Nous avons réussi là où le monde politique avait échoué.

Les anciens présidents de l’UCI n’ont pas tous été membres du CIO. Votre prédécesseur, Brian Cookson, ne l’était pas. Quelle différence cela fait-il pour votre fédération internationale ?

Le cyclisme est l’un des sports majeurs du programme olympique. Le troisième en nombre d’athlètes et de médailles. Il est un atout pour les Jeux. Il est toujours mieux d’être à l’intérieur. Au-delà des seules disciplines olympiques, cela peut contribuer au développement de la place du vélo dans le monde. Mais on n’entre pas au CIO pour défendre son sport ou sa fédération internationale. On le fait pour porter ses valeurs.

Etes-vous satisfait de la place actuelle du cyclisme aux Jeux olympiques ?

Je l’ai dit, le cyclisme est le troisième sport du programme, avec 22 épreuves à médailles. Les deux premiers, l’athlétisme et la natation, sont inaccessibles, avec près d’une cinquantaine de médailles d’or pour chacun d’eux. Nous ne passerons pas devant. Nous ambitionnons plutôt de maintenir notre place. Nous pourrions chercher à accroître notre présence, et nous saisirons les opportunités qui pourraient se présenter. Mais je suis d’accord avec la ligne fixée par Thomas Bach : la fin du gigantisme. Chacun doit se montrer raisonnable.

Vous avez parfois exprimé votre envie d’avoir une épreuve mixte aux Jeux olympiques. Vous y avez renoncé ?

Nous avions proposé l’ajout du contre-la-montre par équipes mixtes pour les Jeux de Paris 2024. Mais l’idée n’a pas été retenue après le décision du CIO de ne pas augmenter le nombre d’épreuves à médailles. Notre envie est toujours la même. Et nous avons proposé à nouveau l’ajout de cette épreuve aux Jeux de Los Angeles 2028. Elle n’augmenterait pas le nombre d’athlètes. Mais elle nécessiterait malgré tout une organisation supplémentaire, des médailles et des coûts en plus. Je comprends les équations que le CIO doit résoudre.

Que pensez-vous des sites du cyclisme aux Jeux de Los Angeles 2028 puis à ceux de Brisbane 2032 ?

Les choses ne sont pas encore fixées. Je dois me rendre prochainement à Los Angeles pour une visite sur place. En Australie, le vélodrome est magnifique, il a été utilisé en 2018 pour les Jeux du Commonwealth. Pour les autres disciplines, dont le cyclisme sur route, rien n’est encore calé, mais je ne suis pas inquiet. Les courses sur route permettent de montrer une ville au reste du monde.

Vous êtes entré au CIO à un moment où les membres de l’instance n’ont plus à choisir entre les villes candidates pour l’attribution des Jeux. La session est seulement invitée à valider le choix de la commission exécutive. Le regrettez-vous ?

Pas forcément. L’épisode du vote a souvent été un épisode dangereux. Les scrutins n’ont pas toujours été les plus objectifs. Le nouveau processus de sélection sert à sortir la meilleure ville-hôte, tout en réduisant le coût des candidatures. Je trouve le processus satisfaisant. Je ne doute pas que la commission de sélection soit capable de déterminer le meilleur choix. C’est un changement, mais il ne me choque pas. A l’UCI, nous procédons un peu de la même façon. Nous avons peu de votes. A la place, nous essayons d’avoir un dialogue simple avec les villes candidates pour les orienter vers les années et les événements qui pourraient le mieux leur correspondre.