— Publié le 26 septembre 2022

Avec Umar Kremlev, la boxe s’éloigne encore des Jeux

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Suicidaire. Ecartée du mouvement olympique depuis plus de trois ans, menacée de voir sa discipline rester à la porte des Jeux de Los Angeles en 2028, la Fédération internationale de boxe (IBA) a fait un pas de plus vers un grand saut dans le vide. Elle a confirmé, au terme d’un vote sans partage, le Russe Umar Kremlev sur le siège présidentiel.

Réuni en fin de semaine passée à Erevan, en Arménie, le congrès extraordinaire de l’IBA avait une occasion rêvée, peut-être unique, de remettre de l’ordre dans la maison. Et même, allez, de retrouver grâce aux yeux du CIO.

La dernière élection à la présidence ayant été invalidée, ses membres pouvaient en finir avec l’épisode Umar Kremlev. Et se choisir, pour conduire l’attelage d’ici les Jeux de Paris 2024, un président à la nationalité et aux antécédents moins suspects pour l’instance olympique.

L’opportunité était belle. Mais elle entrera dans l’histoire tumultueuse de la boxe olympique comme une nouvelle occasion ratée.

Dimanche 25 septembre, Umar Kremlev (photo ci-dessus, debout) a conservé sa place. Boris van der Vorst, son rival néerlandais, remis dans le jeu par le Tribunal arbitral du sport après en avoir injustement été écarté en mai dernier lors de l’élection initiale, n’a pas pesé lourd. Sa victoire aurait pourtant sans doute rassuré le CIO. Et, par un effet domino, redonné des couleurs à l’avenir olympique de la boxe.

Les choses ne se passant jamais comme ailleurs dans le monde de la boxe, le congrès extraordinaire de l’IBA n’a pas été invité à choisir entre Umar Kremlev et Boris van der Vorst pour le poste de président. Trop simple, sans doute. Il a été demandé aux délégués de décider, par vote, s’il fallait organiser de nouvelles élections.

La réponse laisse peu de place au doute. Sur les 146 fédérations nationales éligibles à participer au scrutin, 106 ont répondu par la négative, soit un résultat de 75 %. Dans le camp opposé, seulement 36 pays se sont prononcés en faveur de la tenue de nouvelles élections.. Quatre délégués se sont abstenus.

Faute d’être présenté comme un candidat à la présidence, Boris van der Vorst n’a pas eu l’opportunité de défendre ses chances, son programme et sa vision de l’avenir de l’IBA. Le Néerlandais était pourtant soutenu par plusieurs fédérations occidentales, dont les Etats-Unis.

Avec un tel résultat, et une procédure élective aussi peu démocratique, l’avenir de la boxe au sein du mouvement olympique semble plus sombre que jamais. Peu de temps après l’annonce du résultat, le CIO s’est fendu d’une courte déclaration, où il se dit « extrêmement préoccupé« .

L’instance olympique répète depuis des mois ses doutes quant aux réformes engagées par Umar Kremlev, notamment en termes de gouvernance et d’arbitrage. Elle insiste également sur la dépendance financière de l’IBA vis à vis de son principal partenaire privé, l’entreprise russe Gazprom. Une dépendance que le CIO estime dangereuse pour l’avenir de la discipline et de sa fédération internationale.

Pour rappel, l’IBA est suspendue du mouvement olympique depuis le mois de juin 2019 (elle portait alors le nom d’AIBA). Elle a perdu le privilège d’organiser le parcours de qualification puis le tournoi olympique, pour les Jeux de Tokyo 2020, mais aussi ceux de Paris 2024. Elle ne sélectionne plus les juges et arbitres.

Plus grave, la boxe est provisoirement écartée du programme des Jeux de Los Angeles 2028, tout comme l’haltérophilie et le pentathlon moderne. Avec l’élection confirmée d’Umar Kremlev, il faudrait un miracle pour que la commission exécutive du CIO revienne sur sa décision.

Umar Kremlev le sait. Mais, à l’évidence, le Russe s’en moque. Après l’annonce du résultat du vote, dimanche 25 septembre à Erevan, il a expliqué aux délégués via un interprète que « personne d’autre ne devrait avoir d’influence sur l’organisation. Personne ne peut nous exclure« .

Puis il a précisé, cité dans un communiqué de l’instance : « Je veux envoyer un message clair aujourd’hui. L’IBA est une organisation indépendante et forte. Notre Congrès a prouvé aujourd’hui que nous sommes sur la bonne voie. Je vais présenter un plan de développement sur 4 ans lors de la réunion du Conseil d’administration. J’ai une vision claire de ce que nous devons faire pour atteindre nos objectifs. »

A Erevan, l’opération suicide de l’IBA ne s’est pas limitée à donner les pleins pouvoirs à un dirigeant russe que le CIO a placé depuis deux ans sur sa liste noire. L’instance a également suspendu la Fédération ukrainienne de boxe, vendredi 23 septembre, l’empêchant ainsi de participer au vote.

Raison invoquée : officiellement, « l’ingérence du gouvernement » dans les affaires fédérales. Mais la fédération ukrainienne paye surtout sa décision d’avoir écrit aux autres pays membres pour leur demander de voter pour le tenue de nouvelles élections et l’exclusion d’Umar Kremlev.

L’IBA ne reconnaît plus Kyrylo Shevchenko comme président de la fédération ukrainienne. Elle lui préfère Volodymyr Prodyvus, connu pour être un allié d’Umar Kremlev. Le dirigeant ukrainien a quitté son pays au début de l’invasion par l’armée russe. Il est aujourd’hui vice-président de l’IBA.