— Publié le 16 juin 2020

Pour l’athlétisme russe, payer ou prendre la porte

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L’étau se resserre sur l’athlétisme russe. A deux semaines d’une échéance capitale pour son avenir et celui de ses athlètes – le paiement de la première partie d’une amende infligée par World Athletics – les clignotants viennent de passer au rouge.

Les chiffres sont précis. Suspendue depuis la fin de l’année 2015, la Fédération russe d’athlétisme (RusAF) a été sanctionnée en mars dernier par World Athletics d’une amende 10 millions de dollars. La moitié de cette somme doit être versée au plus tard le 1er juillet. Le reste pourra attendre.

Dans le cas contraire, la RusAF verrait sa suspension prolongée pour un nouveau bail. Son quota de 10 athlètes autorisés à courir sous bannière neutre aux Jeux de Tokyo 2020 serait envoyé aux oubliettes. A plus court terme, le processus d’éligibilité des athlètes à participer cette saison aux compétitions internationales sous couvert de neutralité serait arrêté.

Une porte-parole de World Athletics, l’ancienne journaliste australienne Nicole Jeffery, l’a confirmé lundi 15 dans un communiqué transmis à l’AFP : la RusAF a demandé un délai pour s’acquitter de son amende. « Nous confirmons avoir reçu la demande de la Fédération russe de reporter le paiement », a-t-elle expliqué. Avant de préciser : « Nous avons répondu qu’il n’y aurait pas de changements aux sanctions. »

En clair, World Athletics ne transigera pas. Le virement de 5 millions de dollars devra être reçu le 1er juillet 2020.

A en croire, Edouard Bezouglov, l’actuel vice-président de la RusAF, une lettre officielle a effectivement été envoyée depuis Moscou à World Athletics pour solliciter un délai. La raison : un présumé problème de trésorerie. « Il nous est difficile de verser cette somme en ce moment », explique le dirigeant russe, reconnaissant que la RusAF n’a tout bêtement pas les 5 millions de dollars en caisse pour s’acquitter de son amende.

Difficile à croire. Certes, la RusAF a été affectée par les effets économiques de la pandémie de COVID-19, comme l’ensemble du mouvement sportif international. Mais il semble peu crédible que les autorités russes lui refusent un geste susceptible de lui éviter le pire. Le nouveau ministre russe des Sports, Oleg Matytsin (par ailleurs toujours président de la FISU), l’a expliqué dès sa nomination : replacer la Russie sur l’échiquier sportif constitue sa première priorité.

En attendant, les athlètes s’inquiètent. Les plus médiatiques d’entre eux, la sauteuse en hauteur Mariya Lasitskene, le hurdler Sergey Shubenkov et la perchiste Anzhelika Sidorova, mènent la révolte.

Ils ont publié la semaine passée une lettre ouverte sur Instagram. « Trois semaines avant la date limite fixée par World Athletics, nous avons aujourd’hui le sentiment que les athlètes russes vont une nouvelle fois manquer non seulement la prochaine saison internationale, mais aussi les Jeux olympiques de Tokyo, ont-ils écrit. Le manquement de la RUSAF à ses obligations entraînera l’exclusion définitive des athlètes russes et les privera de la moindre chance de participer aux prochains Jeux olympiques ».

Il reste deux semaines à l’athlétisme russe pour se remettre sur les rails. Le paiement dans les délais impartis de son amende de 5 millions ne lui assurera sûrement pas encore un avenir serein. Mais tout autre scénario prolongerait sa longue traversée du désert.