— Publié le 17 avril 2018

« Economiquement, nous restons un petit sport »

Institutions Focus

Deux cents jours ont passé depuis l’élection de David Lappartient à la présidence de l’Union cycliste internationale (UCI). Le dirigeant français, successeur du Britannique Brian Cookson, a pris la mesure de la fonction et de la tâche à accomplir. Il a surtout établi l’ordre de ses priorités de nouveau patron du cyclisme mondial. En bonne place sur la liste, une politique commerciale plus offensive. Il l’a expliqué à FrancsJeux à l’occasion de SportAccord, organisé du 15 au 20 avril à Bangkok.

FrancsJeux: Vous avez récemment expliqué à l’Equipe que le cyclisme restait « économiquement un petit sport ». Que vouliez-vous dire?

David Lappartient: Les audiences du cyclisme à la télévision sont exceptionnelles. Le Tour de France rassemble chaque année 12 millions de personnes au bord de la route. Aucun autre sport ne parvient à un tel résultat. Pourtant, le poids économique du vélo reste faible. Il est estimé entre 600 et 700 millions de dollars. Le budget cumulé de toutes les équipes du cyclisme sur route professionnel se monte à seulement 400 millions d’euros. Economiquement, nous sommes encore petits.

Pourquoi?

Les grands décideurs du monde économique nous connaissent peu. Ils comprennent mal le cyclisme. Nicolas Sarkozy m’en avait fait la remarque lors d’une soirée à l’Elysée, en 2011, où il recevait les coureurs français du Tour. Pour lui, les grands patrons préfèrent rester entre eux dans les sports qui leur sont familiers. Ils ont tort, car le cyclisme constitue une excellente opportunité. Il est sûrement le sport qui affiche aujourd’hui le plus grand potentiel de développement économique.

Vous évoquez le cyclisme sur route. Mais comment se portent les autres disciplines?

Je suis convaincu que la piste possède un énorme potentiel télégénique, sous réserve de revoir le format des épreuves. Aujourd’hui, elle fonctionne un peu comme le service public, soutenue pour l’essentiel par les fédérations nationales. Mais aux Jeux de Londres, en 2012, les organisateurs avaient enregistré 183.000 demandes de billets pour la vitesse individuelle, pour moins de 5.000 places disponibles au vélodrome. Le VTT, de son côté, est porté par une véritable industrie. La discipline a longtemps coûté de l’argent, elle commence à en rapporter. Les meilleurs coureurs gagnent très correctement leur vie.

Comment comptez-vous transformer économiquement le cyclisme?

La priorité est de fédérer tous les acteurs afin de se ranger derrière une vision commune. Nous devons porter ensemble un produit plus vendable. Pour cela, il faudra mieux organiser notre calendrier, proposer une meilleure production TV, travailler à la création d’une plateforme digitale commune… Aujourd’hui, chaque course vend elle-même ses droits de télévision. En les rassemblant dans une offre plus large, nous pourrons augmenter nettement leurs montants.

Le Tour de France pourrait être concerné?

Non. Dans un premier temps, nous pourrions commencer par commercialiser en une offre unique les droits des courses d’un jour.

Financièrement, comment se porte l’UCI?

Elle se porte bien. Ses réserves se montent aujourd’hui à 40 millions d’euros. Elles nous permettent d’investir dans le développement. Je constate chez nos partenaires une volonté de travailler avec l’UCI. Certains nous accompagnent depuis longtemps, comme Tissot, d’autres arrivent. Mercedes-Benz, par exemple, nous a rejoints l’an passé.

Est-il réaliste d’envisager une plateforme digitale commune pour toutes les composantes du cyclisme mondial?

Aujourd’hui, non. Les acteurs ne sont pas encore prêts, les conditions commerciales et techniques non plus. Mais nous y travaillons. Et il existe une volonté commune d’avancer avec nous dans cette direction. L’objectif est de proposer cette plateforme unique en 2020. Elle s’afficherait sous la bannière de l’UCI.