— Publié le 12 avril 2018

Perquisitions et corruption dans le monde du biathlon

Institutions Focus

Après l’athlétisme, le biathlon. Le décor change, mais un acteur reste: la Russie. Avec toujours, en toile de fond, les mots dopage et corruption. Immuables. Selon un rapport de l’Agence mondiale antidopage, révélé par Le Monde, la Fédération internationale de biathlon (IBU) a été l’objet d’une tentative de corruption de la part de la Russie.

La manœuvre rappelle de très près le scandale de corruption au sein de l’IAAF, dévoilé en 2015, dont Lamine Diack ne s’est jamais remis. Elle lui ressemble même comme une sœur. Dans les deux cas, il s’agissait d’acheter le silence, voire la coopération, de dirigeants internationaux afin de couvrir des cas de dopage dans le sport russe.

A en croire le rapport, la division « Enquête et investigation » de l’AMA s’est penchée avec des manières d’archéologue sur les activités de l’IBU. Elle a ensuite partagé ses informations avec les autorités autrichienne et norvégienne. Interpol aurait également été mis à contribution.

Résultat: une série de perquisitions menées ces derniers jours par la police en Autriche et en Norvège. Les locaux de l’IBU ont été perquisitionnés mardi 10 avril, dans la soirée, à Salzbourg. Une opération comparable a été conduite en Norvège, pays d’origine du président de l’IBU, Anders Besseberg (photo ci-dessus).

 

L’AMA a confirmé les faits. L’organisation internationale du biathlon, de son côté, s’est fendue mercredi 11 avril d’un communiqué où elle assure prendre l’affaire « extrêmement au sérieux ». Pour preuve sa décision de suspendre de ses fonctions sa secrétaire générale, l’Allemande Nicole Resch, à sa demande. Anders Besseberg, 72 ans, pourrait rapidement prendre lui aussi la porte. Le Norvégien avait avait annoncé il y a quelques semaines qu’il ne briguait pas un nouveau mandat à la tête de l’IBU lors du prochain congrès électif, prévu au mois de septembre 2018.

 

 

L’enquête de l’AMA fait intervenir un acteur connu. Grigory Rodchenkov, le lanceur d’alerte russe, ancien directeur du laboratoire antidopage de Moscou, y aurait largement contribué. Son avocat américain l’a confirmé mercredi 11 avril à l’AFP. Selon le rapport révélé par Le Monde, l’IBU envoyait les profils des biathlètes suspects à l’Agence russe antidopage (Rusada). Elle faisait également en sorte que les Russes dopés passent entre les mailles du filet.

En tête de liste, Sergueï Ustuygov. Champion olympique de la mass start en 2010 à Vancouver, il aurait été protégé par le système mis en place entre l’IBU et Rusada. Ses valeurs sanguines étaient anormales depuis 2010, mais il n’a jamais été inquiété. Les choses pourraient cependant bientôt changer. Le Monde assure qu’une « procédure pour dopage vient d’être ouverte à la demande de l’AMA ».

Autre découverte: l’attribution des championnats du monde de biathlon en 2021 à la Russie aurait elle aussi été au cœur des liens douteux entre l’IBU et Moscou. A l’époque de la décision, l’organisation internationale avait été montrée du doigt pour aller à l’encontre du mouvement de boycott de la Russie initié par le CIO et suivi par les fédérations internationales. L’IBU s’était alors mollement défendue, expliquant avoir voté pour la ville russe de Tiumen avant la publication du rapport McLaren sur le dopage d’état en Russie. Mais selon un « informateur anonyme de l’AMA », la Fédération russe avait proposé entre 25 000 et 100 000 euros à plusieurs membres de l’IBU pour donner leur voix à la ville de Tiumen.

Sauf improbable scénario, Anders Besseberg, président de l’IBU depuis 1992, rejoindra bientôt Lamine Diack sur le banc des bannis du mouvement olympique. La police norvégienne confirme assister les autorités autrichiennes dans l’enquête contre « un citoyen norvégien ». Il serait également soupçonné de « délinquance financière ».

L’affaire de l’IBU intervient la même semaine que les révélations de la chaîne sud-coréenne SBS sur des soupçons de corruption entourant la victoire de PyeongChang dans la course aux Jeux d’hiver 2018. Deux dossiers sans lien direct, mais enveloppés d’une même odeur de souffre. Au moment où plusieurs villes intéressées par les Jeux d’hiver en 2026, Sion et Calgary en tête, en sont encore à attendre un soutien populaire ou politique à leur projet olympique, les deux affaires tombent au plus mauvais moment.