Candidatures

France 2023, 15 jours pour changer l’échec en victoire

— Publié le 16 novembre 2017

Qui l’eut cru? Deux mois presque jour pour jour après le vote historique de la session du CIO à Lima, la France a décroché l’organisation d’un autre événement majeur du calendrier sportif international. Mercredi 15 novembre, World Rugby a attribué à la Fédération française de rugby l’organisation de la Coupe du Monde 2023. Le tournoi planétaire se déroulera en septembre et octobre, soit moins d’une année avant les Jeux de Paris 2024. Cocorico.

Mais le parallèle entre les deux candidatures s’arrête là. A Lima, mercredi 13 septembre, l’équipe de Paris 2024 savait la victoire acquise. A Londres, mercredi 15 novembre, peu de gens donnaient le dossier français vainqueur face à l’Afrique du Sud. Quinze jours plus tôt, une recommandation formulée par six cabinets d’experts et un panel de dirigeants avait placé l’Afrique du Sud en tête, assurant que son dossier remplissait à 79% le cahier des charges de World Rugby. La France suivait, avec 3% de moins, l’Irlande fermant la marche, à 7% de l’Afrique du Sud.

Mercredi 15 novembre, il s’en est fallu d’un rien que le dossier français soit choisi au premier tour de scrutin. Avec 18 voix, contre 13 à l’Afrique du Sud et 8 à l’Irlande, la France a été courte de deux petites voix pour boucler l’affaire. Le second tour a confirmé la tendance: 24 voix françaises contre 15 sud-africaines.

Pour la première fois dans l’histoire, les votants n’ont pas suivi les recommandations de la commission d’évaluation. Selon les information de L’Equipe, la France a fait le plein de voix parmi les « petites » nations du ballon ovale. Ses 18 voix au premier tour viennent de l’Ecosse (3 voix), l’Italie (3), le Japon (2), la Géorgie (1), la Roumanie (1), l’Afrique (2), l’Asie (2), l’Amérique du Sud (2), et l’Océanie (2). Au deuxième tour, la France a su conserver son acquis de suffrages, tout en bénéficiant du report des voix de l’Angleterre (2), du Canada (1), des Etats-Unis (1), et de l’Amérique du Nord (2).

La clef du succès français? Elle tient en deux cartes: un mode de scrutin inédit, et un lobbying mené au grand galop par l’équipe de France 2023.

Le scrutin, d’abord. Pour la première fois dans l’histoire, les confédérations continentales disposaient chacune de deux voix, contre une seule lors des suffrages antérieurs. Une réforme du mode de désignation qui a eu pour effet de réduire l’influence des nations dites « fondatrices » du rugby (Ecosse, Angleterre, Galles, Nouvelle-Zélande et Australie). A Londres, mercredi 15 novembre, elles comptaient pour seulement 15 voix, sur les 39 suffrages.

Le lobbying, ensuite. L’arme fatale de Bernard Laporte, le président de la FFR, et de sa garde rapprochée, formée depuis les premiers jours par Serge Simon, son vice-président, et surtout Claude Atcher, aux manettes de la candidature via sa société, Score XV. En quinze jours, les trois hommes ont su changer l’échec annoncé en un succès sans nuance. Très fort.

Bernard Laporte s’en est longuement expliqué au terme du scrutin, dans les salons du Royal Garden Hotel de Londres. « Il a fallu en 15 jours essayer de convaincre à nouveau que notre dossier était le meilleur. Nous étions sûrs de sa qualité. Et là où on nous attaquait, on disait que c’était injuste. On a choisi de se battre là-dessus, par exemple sur la qualité de nos stades, ou sur le fait qu’on n’est jamais assez dur en terme de lutte contre le dopage. Nous avons essayé de promouvoir notre dossier, d’appuyer les contestations que nous avions émises à World Rugby. »

Dès le 3 novembre, un premier courrier est parti à l’intention de World Rugby. L’équipe française y reprenait tous les points du dossier défavorables à la France, pour énumérer un à un les atouts du dispositif de France 2023. La sécurité, le dopage, la mise à disposition des stades, la capacité hôtelière… Un courrier également envoyé aux votants.

Témoignage de Claude Atcher: « On a tenu jusqu’au bout. Jusqu’à cette nuit encore, on rencontrait des présidents pour les convaincre que notre dossier était le meilleur. »

Bernard Laporte n’a pas hésité à critiquer sévèrement, dans la presse, la qualité et la crédibilité du rapport sur les dossiers de candidature. Il ne s’est pas interdit d’insister sur les faiblesses du projet sud-africain, notamment en termes de sécurité. A l’évidence, la stratégie a été payante. Elle a eu pour effet de semer le trouble dans l’esprit des votants, jusqu’à en convaincre certains de ne pas suivre en aveugle la recommandation de World Rugby.