— Publié le 20 avril 2017

Pour briller à Tokyo 2020, l’Afrique avance groupée

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Les chiffres ne trompent pas. Avec 45 médailles, son meilleur total de l’histoire, l’Afrique a réussi ses Jeux de Rio 2016. Quatre ans plus tôt, à Londres, le continent avait bouclé la quinzaine olympique en rasant les murs. Bilan: 35 places sur le podium. Décevant. A trois ans des Jeux de Tokyo 2020, les dirigeants sportifs du continent projettent dès maintenant leurs regards vers le Japon. Ils le font, cette fois, sans faire mystère d’une ambition retrouvée. Plusieurs dizaines d’entre eux sont actuellement réunis pour deux jours, jusqu’au vendredi 21 avril, dans un hôtel proche de l’aéroport d’Abidjan, en Côte d’Ivoire, à l’invitation de l’Association des comités nationaux olympiques africains (ACNOA). Thème du forum: « Définir ensemble une stratégie gagnante pour Tokyo 2020 ».

Avant l’heure des bonnes idées et des recettes du succès, le sport africain prend le temps de l’analyse. Jeudi 20 avril, l’ACNOA et ses invités ont médité sur les chiffres des Jeux de Rio, en hésitant souvent entre fierté et frustration. Certes, le continent dans son ensemble a décroché du mat de cocagne 45 médailles aux derniers Jeux. Mais l’Europe en a remporté dix fois plus. Surtout, le résultat collectif de l’Afrique pèse moins de 5% du total des médailles distribuées à Rio de Janeiro, précisément 4,6%. « Insuffisant », ont martelé les uns et les autres.

Dans le détail, le Kenya s’est révélé le plus performant aux Jeux de Rio 2016, avec 13 places sur le podium, pour une délégation forte de 89 athlètes. L’Afrique du Sud a pris la deuxième place, avec 10 médailles, mais avec une équipe olympique nettement plus nombreuse (137 sélectionnés). L’Ethiopie pointe en troisième position, avec un ratio très respectable: 8 médailles pour seulement 38 engagés. Mais, autre motif d’inquiétude relevé ce jeudi à Abidjan, le Kenya et l’Ethiopie ont brillé dans un seul sport: l’athlétisme. L’Afrique du Sud, observée plus que jamais comme le meilleur élève du continent, a fait preuve d’un équilibre des forces unique dans le sport africain, décrochant des médailles en athlétisme, natation (photo ci-dessous), aviron, rugby et triathlon.

 

 

Au cours de la dernière olympiade, l’ACNOA avait mis la main à la poche, annonçant dès le printemps 2013 une aide exceptionnelle de 607.000 dollars pour la préparation des Jeux de Rio. Elle a bénéficié à 101 athlètes africains, représentant 17 pays. L’athlétisme a hérité de la plus grosse part (74%), devant la natation (14%), le taekwondo (8%), le judo et la boxe. Lassana Palenfo, son président, l’a annoncé jeudi 20 avril en ouverture du forum: l’aide de l’ACNOA sera augmentée pour l’actuelle olympiade. Elle se monte à 1 million de dollars pour la période 2017-2020.

L’effort n’est pas mince. Mais l’Afrique voit grand. Elle veut avancer groupée vers Tokyo 2020, sans s’interdire de quitter sa zone de confort. Hicham El Guerrouj, le double champion olympique en 2004, membre de la commission des athlètes de l’ACNOA, suggère de « mieux accompagner financièrement le sport féminin et d’élargir les aides à un nombre plus important de sports ». Le Marocain avoue rêver d’un centre d’entraînement multisport où pourraient se retrouver les athlètes de tout le continent. Kirsty Coventry, l’ex nageuse du Zimbabwe, membre du CIO, propose de « faire tomber les frontières et mieux partager les compétences ». Elle relève également que l’aide apportée aux athlètes ne doit pas être seulement financière, mais également médicale et psychologique.

La première journée du forum de l’ACNOA l’a révélée comme une évidence: l’Afrique du Sud s’impose plus que jamais comme le modèle à suivre. Son équipe olympique a décroché 10 médailles aux Jeux de Rio. Elle en vise au moins 15 à Tokyo 2020, lorgnant vers le cyclisme, l’escalade ou le skateboard comme autant de nouveaux terrains de conquête. Son organisation à l’occidentale, structurée et planifiée, fait des envieux. « Mais rien n’est dû au hasard, explique d’une voix de prêcheur le président du comité national olympique, Gideon Sam. Nous avons beaucoup investi. La communication, par exemple. Pour améliorer notre image, nous avons recruté une agence extérieure. Avec elle, nous publions désormais un magazine. Les premiers numéros nous ont coûté de l’argent, aujourd’hui il nous en rapporte. » Le comité olympique a fait ses comptes: sur les quatre années de l’olympiade, chacune des 10 médailles remportées aux Jeux de Rio a nécessité en moyenne une dépense d’un million de rands, soit environ 70.000 euros.

Lassana Palenfo insiste: « L’Afrique ne doit plus accepter d’envoyer aux Jeux olympiques des athlètes qualifiés au titre de l’universalité. Nous irons à Tokyo pour viser toujours plus de podiums. » Rendez-vous est pris.