— Publié le 14 décembre 2015

Le Koweït veut réduire Sheikh Ahmad au silence

Institutions Focus

Sale temps pour Sheikh Ahmad al-Fahad al-Sabah. Le dirigeant koweïtien, considéré à juste titre comme l’un des personnages les plus influents du mouvement sportif international, pourrait passer les six prochains mois sous les barreaux. Selon un quotidien du Koweït, le président de l’Association des comités nationaux olympiques (ACNO) aurait été condamné à une peine de six mois de prison pour avoir critiqué ouvertement le régime de son pays lors d’une interview à la télévision…. trois années plus tôt. Surréaliste.

Sheikh Ahmad aurait émis des doutes sur l’intégrité du système judiciaire koweïtien. Il aurait même « insulté le parquet » dans une interview accordée à une chaîne locale de télévision privée. Il serait aussi accusé d’avoir violé une interdiction médiatique portant sur des commentaires relatifs aux allégations selon lesquelles un ancien Premier ministre et ex-président du Parlement avait comploté en vue de mener un coup d’Etat. Une affaire finalement classée par la justice pour manque de preuves.

Les faits se sont produits en 2012. Ils ressortent aujourd’hui. Pas vraiment un hasard, alors que le Koweït est actuellement suspendu par le CIO et la FIFA pour interférence des autorités politiques dans les institutions sportives du pays.

Membre de la famille royale du Koweït (il est le neveu de l’émir au pouvoir, Sheikh Sabah al-Ahmad al-Sabah), Sheikh Ahmad cumule aujourd’hui les fonctions dans le mouvement sportif. Membre de la commission exécutive du CIO, il préside l’ACNO, la Solidarité olympique et l’Association des comités olympiques astiques (OCA). Il siège également à la commission exécutive de la FIFA, où il passe pour le soutien le plus puissant de l’un des candidats à la succession de Sepp Blatter, Sheikh Salman bin Ibrahim Al Khalifa, le dirigeant du Bahreïn.

Très silencieux depuis l’annonce de sa condamnation, Sheikh Ahmad a tenu à réagir par un communiqué envoyé par l’OCA. « Il s’agit d’une attaque personnelle qui est malheureusement symptomatique de la relation actuelle entre le Koweït et le mouvement sportif, y écrit-il. En vertu de la constitution démocratique du Koweït, j’ai le droit d’exprimer mon opinion librement, et c’est tout ce que j’ai fait. J’ai combattu contre toutes les formes de corruption et promu la liberté d’expression toute ma vie, quand j’étais militaire, quand j’étais au gouvernement et maintenant dans le sport. Je continuerai à protéger les valeurs de démocratie, de liberté d’expression et d’autonomie du sport. »

A en croire la presse du Koweït, Sheikh Ahmad a dû payer 1.000 dinars (un peu plus de 3.000 euros) pour suspendre l’application de sa peine.

Sans surprise, l’affaire a fait grand bruit dans le mouvement olympique. Les réactions ont été nombreuses, empreintes de marques de soutien et de solidarité à l’adresse du dirigeant koweïtien. « Le ministre des Sports est en train de placer le problème sur un plan personnel, sans voir la réalité des faits », a suggéré Patrick Hickey, le président de l’Association de comités olympiques européens (EOC). Lassana Palenfo, le président de l’Association des comités olympiques africains (ACNOA), a exprimé lui aussi son soutien via un communiqué de presse. Le dirigeant ivoirien y assure que « toute la famille de l’ACNOA est unie derrière Sheikh Ahmad dans sa défense contre ces accusations et son combat pour les valeurs de la démocratie, de la liberté d’expression et de l’indépendance du sport. »