Candidatures

Entre Almaty et Pékin, un choix de philosophie

— Publié le 30 juillet 2015

Veillée d’armes à Kuala Lumpur. Les membres du CIO se réunissent vendredi 31 juillet en session annuelle pour désigner l’hôte des Jeux d’hiver en 2022. Un vote prévu en milieu d’après-midi en Malaisie, pour une annonce du dossier vainqueur programmée à 18 heures locales (midi à Paris et Lausanne).

A 24 heures du scrutin, les équipes des deux villes candidates ont tenu ce jeudi leur ultime conférence presse. Almaty 2022 l’a fait en milieu de matinée, dans une vaste salle d’un palace de Kuala Lumpur. Pékin 2022 a suivi en début d’après-midi, dans une pièce étroite et bondée d’un autre grand hôtel de la capitale asiatique. Deux exercices purement formels, exécutés avec application mais sans grande nouveauté.

Chacune des deux candidates s’est bien gardée de citer nommément sa rivale, manœuvre interdite par les règlements du CIO. Mais, fait assez rare pour être signalé, les Kazakhs ont osé une attaque à l’encontre des Chinois. « Notre concept est bâti autour de véritables sites d’hiver déjà existants, pas sur des installations de sports d’été qui seraient transformées pour la circonstance, a martelé Andrey Kryukov, le vice-président d’Almaty 2022. Notre ville est une vraie citée de sports d’hiver, avec une culture hivernale, des vraies montagnes et une neige véritable. » A Pékin, les oreilles ont dû siffler.

Entre les deux dossiers, les points communs sont rares, à l’exception d’une appartenance à un même continent, les différences souvent énormes et la philosophie assez peu comparable. Etat des lieux et comparaison.

Almaty 2022

Première candidature olympique (la ville était requérante pour les Jeux d’hiver en 2014, mais elle n’avait pas été retenue parmi les finalistes). Budget: 1,6 milliard d’euros pour l’organisation des Jeux, 4,1 milliards d’euros pour les infrastructures. Population: 1,6 million d’habitants. 70% des sites de compétition existent déjà. Trois villages olympiques. Soutien de la population locale: 87% (sondage CIO).

Forces. Une candidature résolument hivernale, sorte de version d’Asie centrale des Jeux de Lillehammer en 1994, certains sites (tremplin de saut, patinoires) étant construits au cœur même de la ville. Dispositif compact et ramassé, la totalité des lieux de compétition étant située dans un rayon de 30 km. Assurance d’une ambiance de Jeux d’hiver. Possibilité pour le CIO de s’ouvrir vers un nouveau territoire, l’Asie centrale. Un concept « low-cost » fidèle aux résolutions de l’Agenda 2020.

Faiblesses. Une certaine inexpérience dans l’organisation d’événements sportifs planétaires. La question des droits de l’homme. Une économie très dépendante du marché du pétrole. Une possible instabilité politique.

Pékin 2022

Première candidature olympique d’hiver, mais la capitale chinoise a organisé les Jeux d’été en 2008. Budget: 1,4 milliard d’euros pour l’organisation des Jeux, une somme à peu près égale pour la construction des infrastructures (ce dernier budget ne tient pas compte de la création d’une ligne de train à grande vitesse entre Pékin et les stations de sports d’hiver, dont le coût reste flou). Population: 21 millions d’habitants. Six sites de compétition sur 9 existent déjà, pour la plupart des enceintes des Jeux de 2008 recyclées en patinoires. Trois villages olympiques. Soutien de la population locale: 92% (sondage CIO).

Forces. Une grande expérience dans l’organisation d’événements majeurs (son équipe l’a répété jeudi 30 juillet: « Nous respectons toujours nos promesses à 100% »). La certitude pour le CIO de ne connaître aucune mauvaise surprise. Marché potentiel de 300 millions de nouveaux adeptes des sports d’hiver (un argument forcément décisif pour les marques et les fédérations internationales concernées).

Faiblesses. Un concept plus urbain qu’hivernal, assez peu traditionnel, avec un pôle « glace » à Pékin et un pôle « neige » dans des stations distantes de plus d’une centaine de kilomètres. La question des droits de l’homme. La pollution de l’air à Pékin et dans ses environs. Une impression de « déjà-vu », seulement 14 ans après les Jeux d’été en 2008. Le risque de voir des épreuves alpines, et même nordiques, disputées sur une neige artificielle.

L’avis de FrancsJeux

Dans cette course à deux, Pékin tient le rôle de favori et Almaty celui d’outsider. En votant pour le dossier chinois, le CIO jouerait la sécurité, au risque de passer pour tristement conservateur. Il ouvrirait surtout aux marques et aux fédérations de ski et des sports de glace un marché estimé à 300 millions de nouveaux pratiquants. D’un point de vue purement commercial, Pékin s’impose comme le meilleur choix. A l’inverse, voter pour Almaty permettrait d’envoyer au monde un message nettement plus fort: la preuve que le CIO n’obéit pas toujours au diktat de l’argent et à la loi du plus fort. En choisissant Almaty, le CIO prendrait un risque mais ferait preuve d’audace. Il surprendrait. A ce stade de son histoire, il en sortirait gagnant.