Candidatures

« A Pékin, les premiers Jeux sur neige artificielle »

— Publié le 30 mars 2015

Après Almaty, Pékin. La commission d’évaluation du CIO a bouclé, samedi 28 mars, sa visite dans la capitale chinoise, candidate aux Jeux d’hiver de 2022. A quatre mois du vote, prévu fin juillet à Kuala Lumpur, la délégation de 19 experts et membres du CIO, conduite par le Russe Alexander Zhukov, a découvert un projet olympique tout à la fois urbain et montagnard, où les sites des Jeux d’été en 2008 seraient largement utilisés pour les épreuves de glace. Alain Lunzenfichter, l’ancien président de l’Association des journalistes olympiques, a suivi la visite de la commission d’évaluation. Il a répondu aux questions de FrancsJeux.

FrancsJeux: Quelles sont les forces du dossier de Pékin 2022 ?

Alain Lunzenfichter: La grande force de la candidature de Pékin est sans conteste d’avoir su comprendre tout ce que pouvait apporter l’Agenda 2020 au projet chinois. Avec son « armée » de conseillers, le comité de candidature a mis facilement la commission d’évaluation dans sa poche et ce d’autant qu’Alexander Zhukov, son président, ne demandait que cela. Ce que les protagonistes de Sotchi et leurs 51 milliards de dollars de dépenses n’avaient pas su faire, les Chinois l’ont fait. Entre autres, construire un train à grande vitesse et une autoroute supplémentaires (et inutiles), avec en prime de très nombreux ouvrages d’art programmés pour le développement de la Chine… Mais les Chinois attendent encore le feu vert du début des travaux, sans doute pour la fin juillet. Ainsi, plusieurs dizaines de milliards disparaissent du budget des Jeux, qui se réduit à 1,6 milliard de dollars. Autre avantage du dossier, il réutilise 11 des 12 installations des Jeux d’été de 2008 pour les épreuves se déroulant sur glace. Le support politique est évident, plusieurs dizaines de ministres étaient à Pékin pour rencontrer la commission et confirmer l’apport financier de l’Etat chinois. La candidature a déjà assuré le CIO que toute l’industrie serait derrière le projet. La Chine a déjà annoncé la présence de certains sponsors et évalué avant même l’élection de Kuala Lumpur, le 31 juillet prochain, une manne financière de plus de 850 millions de dollars.

Et ses faiblesses ?

Elles sont également très nombreuses. Les droits de l’homme, la pollution, les sites des épreuves sur la neige, la neige elle-même et surtout l’ambiance. La question du Tibet n’a pas évolué depuis 2008, mais comme le répètent les Chinois, « il ne faut pas mélanger le sport et la politique ». Au dernier jour de la visite de la commission, samedi, le niveau de pollution a atteint 500, soit vingt fois la limite supérieure préconisée par l’OMS. Les sites montagnards, ou plutôt des « montagnettes », ont permis tout juste d’entrer dans les critères de la FIS. De plus, ils n’ont reçu que quelques petits centimètres de neige cette année. Il y a fort à parier que les JO d’hiver de 2022, si Pékin gagne, seront les premiers qui se dérouleront sur neige artificielle. Alexander Zhukov l’a confirmé en disant « qu’il y avait assez d’eau et que la température était assez basse pour la fabriquer ». Tant pis si la protection de l’environnement passe au second plan… Créer l’ambiance festive des Jeux, surtout à la montagne, constitue un autre challenge que devront surmonter les Chinois s’ils veulent que ces Jeux soient un succès. Quant au contrôle des écrits des correspondants étrangers il a, comme en 2008, plusieurs fois été constaté durant cette semaine d’évaluation.

La population soutient-elle le projet olympique ?

Bien sûr, le contraire serait d’ailleurs étonnant. La ville de Pékin supporte le projet à 88 %, la ville de Zhangjiakou, cadre des épreuves de neige, à 95 %, le reste de la Chine à 92 %. En moyenne, le pays est pour à 91,66 %. Pourtant ces chiffres incroyables sont à relativiser car lorsque vous posez la question : «  Êtes-vous intéressés pour les sports d’hiver », la réponse est cinglante et négative, sans doute par manque de connaissance du sujet. En revanche, lorsque vous demandez aux mêmes personnes si elles s’intéressent aux JO d’hiver, la réponse est affirmative car selon eux cela concerne l’Etat.

Comment s’est déroulée la visite de la commission d’évaluation?

De façon excellente. Les Chinois sont des maîtres pour la mise en place des projets et des moyens de satisfaire leurs hôtes. Ils veulent les JO 2022 pour développer le sport d’hiver en Chine et promettent 300 millions de nouveaux hockeyeurs sur glace! Evidemment faux, mais cela frappe les imaginations. Ils disent aussi avoir besoin de sites d’entraînement pour les sports d’hiver et surtout de neige afin de progresser et apporter encore plus de médailles olympiques d’hiver à la Chine (53 médailles, surtout sur glace, depuis leur première participation aux JO d’hiver à Lake Placid 1980). Les Chinois sont charmeurs et savent caresser leurs hôtes dans le sens du poil. Ce fut encore le cas ces derniers jours à Pékin.