— Publié le 25 mai 2025

Les Enhanced Games, le projet fou qui prétend associer dopage, santé et intégrité

ÉvénementsFOCUS Focus

« Redéfinir les limites de la performance humaine. » Voilà la promesse des Enhanced Games, souvent présentés comme les « Jeux olympiques du dopage ». L’idée est née dans la tête d’Aron D’Souza, un homme d’affaires australien, et a reçu le soutien (entre autres) du fils du président des États-Unis, Donald Trump Jr. Elle se concrétisera en 2026, à Los Vegas, comme l’ont fièrement annoncé les porteurs du projet mercredi. Un drôle de signal à deux ans des Jeux de Los Angeles.

« Le code mondial antidopage est un mur »

Depuis deux ans, Aron D’Souza et ses associés communiquent allègrement sur cette compétition, qui incarne « le futur du sport » à leurs yeux. Le Mouvement olympique en a pris pour son grade : en 2023, le compte X des Enhanced Games parlait ainsi du CIO comme d’une « organisation fondée par un baron français raciste » et partageait une caricature montrant le CIO sous l’apparence d’une sangsue, collée sur le dos d’un athlète. « Le code mondial antidopage est un mur qui bloque l’évolution humaine », peut-on aussi lire au milieu des publications appelant à « redéfinir l’impossible ».

Aron D’Souza veut surtout mettre fin à ce qu’il voit comme une hypocrisie générale. « Près de 44 % des athlètes de niveau international admettent aujourd’hui utiliser des substances interdites, mais seulement 1 % d’entre eux se font prendre », lit-on sur le site du projet, en référence à une étude réalisée lors des Championnats du monde d’athlétisme 2011 et des Jeux panarabes 2011. « Les compétitions internationales se sont transformées en un jeu du chat et de la souris déloyal, où certains athlètes ont recours à des substances et des pratiques à haut risque. (…) Les Enhanced Games autorisent l’utilisation d’améliorations des performances, ce qui garantit que nos compétitions sont plus équitables et plus sûres pour nos athlètes. » Autoriser des substances habituellement interdites, au bénéfice de la performance, de la santé des athlètes et de l’intégrité du sport : voilà le credo – très discutable – des organisateurs.

Un million de dollars pour un record du monde

Du 21 au 24 mai 2026, ce projet se concrétisera avec trois sports : l’athlétisme (100 m, 100/110 m haies), la natation (50 et 100 m nage libre, 50 et 100 m papillon) et l’haltérophilie (arraché, épaulé-jeté). Pour attirer des athlètes de renom – et donc, par ruissellement, de l’attention et des partenaires – les organisateur sortent le portefeuille. Tous les participants recevront un joli chèque, et les plus grandes performances seront valorisées : battre un record du monde rapportera 250.000 dollars. Un million de dollars est même promis aux records qui tomberaient sur le 100 mètres ou sur le 50 mètres nage libre.

L’idée a déjà convaincu plusieurs nageurs : l’Australien James Magnussen (triple médaillé olympique), le Bulgare Josif Miladinov (vice-champion d’Europe du 100 m papillon en 2021), l’Ukrainien Andriy Govorov (recordman du monde du 50 m papillon) et le Grec Kristian Gkolomeev (quatre participations aux JO, champion d’Europe en titre du 50 m nage libre). Gkolomeev a déjà reçu un premier chèque pour avoir « battu » le record de la distance, en février, comme le montre le documentaire « 50 mètres pour l’histoire », qui met en scène la préparation de plusieurs athlètes pour les Enhanced Games.

Les responsables se défendent en assurant que les athlètes seront supervisés. Une commission scientifique et médicale indépendante a justement été créée. Néanmoins, l’Agence mondiale antidopage et la Fédération internationale d’haltérophilie ont exprimé leur opposition au projet en soulignant le danger qu’il représentait pour la santé et l’intégrité du sport. Le patron de l’USADA, Travis Tygart, voit lui aussi rouge : « Les personnes derrière les Enhanced Games cherchent peut-être à gagner rapidement de l’argent, mais ce profit se ferait aux dépens des enfants du monde entier qui pensent qu’ils doivent se doper pour réaliser leurs rêves. Les athlètes qui s’entraînent et concourent actuellement de manière réelle et sûre sont les modèles dont ce monde a désespérément besoin. Ce sont eux qui méritent notre soutien – pas un dangereux spectacle de clowns qui fait passer le profit avant les principes. » Encore plus avec la perspective des Jeux olympiques et paralympiques, à 400 kilomètres de là.