Candidatures

Pékin 2022, la raison du plus fort

— Publié le 31 juillet 2015

Le CIO serait-il vraiment en train de changer? A la première lecture du vote de ses membres pour la ville-hôte des Jeux d’hiver en 2022, la réponse semble plutôt négative. Comme attendu, Pékin a battu Almaty, ce vendredi à Kuala Lumpur. La victoire du plus fort, du plus riche, du plus puissant. Un succès « écrit d’avance », a suggéré en sortant de la salle un représentant d’une fédération internationale. La preuve que l’audace n’est pas encore tout à fait de mise dans le mouvement olympique.

Mais une analyse plus fine des choses apporte un autre éclairage. Le score, surtout, fait réfléchir. Entre Pékin, son expérience des candidatures, sa puissance économique et son potentiel de 300 millions de futurs pratiquants des sports d’hiver, et Almaty, nouvelle venue dans le décor, présentée depuis le départ comme un sympathique outsider, la partie a longtemps hésité. Le dossier chinois l’a emporté, mais d’un souffle. 44 voix pour Pékin, 40 pour Almaty (et une abstention). « Avec deux voix de plus, nous étions à égalité et il fallait revoter », soupirait Andrey Kryukov, le vice-président de la candidature du Kazakhstan, quelques minutes après le résultat. Quatre voix, un écart largement plus faible que les prévisions. La preuve que, si l’audace n’est pas encore une priorité pour le CIO, une grande partie de ses membres se laisserait volontiers tenté par un saut dans l’inconnu.

En optant pour Almaty, un dossier résolument plus hivernal, plus solidement ancré dans la tradition des sports de montagne, le CIO aurait envoyé au monde le message d’un vrai changement d’ère. En préférant Pékin, il a choisi l’assurance de sept années de préparation sans mauvaises surprises et, surtout, de Jeux à la hauteur des attentes et des promesses. « Pékin, un choix sûr et historique, a résumé Thomas Bach. Les Chinois, nous le savons, respectent toujours leurs engagements. Et nous venons de marquer l’histoire en attribuant, pour la première fois, les Jeux d’hiver à une ville ayant déjà organisé ceux d’été. Un événement d’autant plus historique que les deux JO seront séparés de seulement 14 ans. »

Les présentations, en fin de matinée, ont donné le ton. A la différence d’Almaty, où les propos des uns et des autres ont repris comme un refrain le caractère authentique d’un projet « dans des vraies montages, avec une vraie neige », Pékin a joué sans états d’âme la carte du business. Les Chinois ont insisté sur ces « 300 millions de personnes, surtout des jeunes », qui se mettront bientôt à skier, patiner ou manier la crosse. Ils ont balancé comme un énorme pavé que l’industrie des sports d’hiver pèserait en Chine, à l’horizon 2020, la somme pharaonique de 800 milliards de dollars. Gian-Franco Kasper, le président de la Fédération internationale de ski (FIS), n’est pas resté insensible au message. Il ne s’en est pas caché à l’issue du vote. « Je suis heureux du résultat », a avoué le dirigeant suisse.

Le choix de l’argent? « Un raccourci simpliste, répond Tony Estanguet, l’un des deux membres français du CIO. L’élection s’est jouée à peu de choses. Les Chinois ont présenté un beau dossier. Avec la Chine, nous avons la sécurité d’un événement conforme aux promesses. » Bernard Lapasset, le patron de Paris 2024, apporte une analyse à méditer par la candidature française: « La puissance économique constitue un critère à ne pas négliger. Un critère certainement très important. Mais la victoire se joue sur tout un projet, avec ses multiples entrées, dont l’aspect financier. Cela étant dit, le résultat d’aujourd’hui montre qu’il est très difficile de rivaliser avec une candidature capable de tout écraser. »

Les Chinois l’ont emporté de peu, certes, mais ils étaient sûrement imbattables. Le maire de Pékin, Wang Anshun, l’a résumé à sa façon, en toute fin de conférence de presse, au moment de conclure: « La Chine, avec 1,3 milliard d’habitants, représente un quart de l’humanité. En 120 ans d’histoire olympique, nous avons organisé seulement une seule fois les Jeux olympiques. Nous les aurons une deuxième fois. Pour notre pays, c’était important ». A sa droite, Thomas Bach n’a pas dit le contraire. Il a même semblé acquiescer.