— Publié le 2 mai 2023

Face à la présence russe, l’Ukraine fera ceinture

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La menace était dans l’air. Elle est devenue concrète. L’Ukraine a annoncé au cours du dernier weekend sa décision de renoncer à envoyer une délégation aux championnats du monde de judo. Ils doivent se tenir du 7 au 14 mai à Doha, au Qatar.

En cause, la participation quasi-certaine d’une équipe russe. Elle a été autorisée par une décision de l’instance mondiale de la discipline (IJF), prise samedi 29 avril, de lever la suspension des judokas russes et biélorusses.

Le boycott de l’Ukraine a été révélé par une information de la chaîne publique de télévision Suspilne, citant l’entraîneur en chef de l’équipe nationale, Vitaliy Dubrova. Il a été confirmé par la fédération ukrainienne de judo.

Mais selon plusieurs sources, les discussions seraient toujours en cours pour trouver un compromis et permettre aux athlètes ukrainiens de ne pas compromettre leurs chances de se qualifier pour les Jeux de Paris 2024. Les Mondiaux 2023 au Qatar constituent en effet une étape importante sur la route du rendez-vous olympique, en distribuant des points pour le classement mondial.

L’IJF l’a annoncé samedi dernier : les judokas russes et biélorusses seront acceptés seulement à titre individuel et sous couvert de neutralité. Pour être éligibles, ils devront faire l’objet d’une vérification de leurs antécédents, notamment de leur activité sur les réseaux sociaux depuis le début du conflit en Ukraine. L’IJF explique se réserver le droit de fermer la porte aux judokas des deux pays qui auraient posté des messages de « propagande de guerre. »

Jusque-là, rien de très inattendu. L’IJF ne fait rien de plus que se ranger dans le camp, de plus en plus fourni, des fédérations internationales ayant ouvert la porte aux athlètes russes et biélorusses. Elle suit la recommandation de la commission exécutive du CIO, exprimée officiellement le 28 mars dernier.

Mais le cas du judo se distingue du reste du mouvement olympique, pour au moins deux raisons. La première tient à son calendrier. L’IJF est la première des instances internationales ayant décidé de lever la suspension des Russes et Biélorusses à organiser des championnats du monde, une étape déterminante sur la route des Jeux de Paris 2024.

La seconde raison se cache dans la composition des deux délégations censées se rendre en fin de semaine à Doha pour disputer les Mondiaux 2023. Pas moins de vingt judokas russes et biélorusses figurent parmi les engagés. Parmi eux, au moins cinq appartiennent à un club de l’armée russe. Ils seraient quatre, selon le site du ministère russe de la Défense, à afficher le grade de sergent-chef.

En tête de liste, Inal Tasoev. Champion d’Europe en 2021 en plus de 100 kg, il a remporté la même année les Mondiaux militaires. Autre cas douteux : Mikhail Igolnikov, médaillé de bronze à ces mêmes championnats du monde militaires en moins de 90 kg. Il est également engagé aux Mondiaux 2023 à Doha.

Réaction de la Fédération ukrainienne de judo : « La majorité de l’équipe de Russie est composée de sportifs qui sont des soldats dans l’armée de la fédération de Russie, qui a attaqué l’Ukraine le 24 février 2022 et continue de mener une guerre brutale contre notre territoire. Plus de 250 athlètes ukrainiens ont, eux, donné leur vie pour défendre le pays et parmi eux des judokas. Nous ne voyons ni neutralité, ni égalité de traitement, pas plus qu’une « passerelle pour la paix », comme le dit la fédération internationale dans sa résolution sur la participation des Russes et des Biélorusses aux championnats du monde à Doha. De plus, nous considérons que cette décision contredit les dernières recommandations du CIO du 28 mars 2023, selon lesquelles un statut d’athlète neutre ne peut être accordé qu’à ceux qui ne sont pas des militaires. »

Même incompréhension dans les rangs des athlètes ukrainiens. Daria Bilodid, la double championne du monde en moins de 48 kilos (2018 et 2019), médaillée de bronze aux Jeux de Tokyo, n’a pas mâché ses mots à l’annonce de la décision de l’IJF. « Je pense qu’il est inacceptable de permettre au personnel militaire d’un pays terroriste qui tue chaque jour des Ukrainiens de participer à des compétitions internationales », a-t-elle écrit sur son compte Instagram.

A moins d’une semaine de l’ouverture, les Mondiaux de judo s’annoncent comme un premier test pour le mouvement olympique dans sa tentative de ramener les athlètes russes et biélorusses sur la scène internationale. La décision finale de l’IJF, notamment sur la participation de judokas appartenant à l’armée, sera observée par les autres instances. Elle pourrait créer un précédent.