— Publié le 21 juillet 2020

Dans le monde d’après, le sport devra la jouer modeste

Événements Focus

A quoi ressemblera le monde d’après, pour le mouvement olympique ? Au moment où le calendrier sportif reste pour l’essentiel à l’arrêt, les fédérations internationales sont nombreuses à se poser la question. Mais elles peinent à entrevoir une réponse dans un avenir encore très incertain.

Les événements sportifs seront-ils aussi nombreux ? Leurs dimensions seront-elles revues à la baisse ? La « simplification » engagée par les organisateurs des Jeux de Tokyo 2020 deviendra-t-elle la norme ?

FrancsJeux a interrogé un expert, Jérémy Botton, ancien directeur général de la Fédération française de tennis, aujourd’hui à la tête de la société Spartner, qui accompagne depuis vint ans les acteurs du monde du sport dans le management de leurs projets de déplacements et d’événements, en France et à l’international.

FrancsJeux : La pandémie de COVID-19 ne semble avoir épargné personne dans le mouvement sportif international. Mais les instances et les disciplines ont-elles toutes été frappées avec la même force ?

Jérémy Botton : Non. Le football a pu repartir dans une partie du monde, en Europe notamment. Le Formule 1 a également été relancée. Mais certains sports sont encore à l’arrêt. Les plus touchés ont été ceux dont le modèle économique est le plus dépendant des recettes de la billetterie et de l’hospitalité. Pour eux, la crise sanitaire est terrible. Je pense surtout au rugby.

Pourront-ils s’en remettre ?

Il est trop tôt pour répondre, mais une chose est sûre : la crise actuelle peut avoir des effets vertueux. Elle peut inciter les instances sportives internationales à revoir leur modèle économique et, surtout, les cahiers des charges qu’elles imposent aux organisateurs d’événements. Le mouvement sportif était sans doute allé trop loin. La pandémie de COVID-19 peut permettre de faire machine arrière et revenir à un modèle plus frugal et mieux maîtrisé. Avant la crise, certaines fédérations internationales avaient entamé une réflexion en ce sens. La pandémie a eu pour effet de l’accélérer. Mais nous sommes encore entre deux chaises. La réflexion n’a pas encore été concrétisée, y compris au CIO, où Thomas Bach répète vouloir faire des efforts pour alléger les charges des organisateurs.

La « simplification » attendue aux Jeux de Tokyo peut-elle devenir la norme pour les grands événements ?

On peut le penser. Et il faut le souhaiter. Les fédérations internationales étaient parfois allées beaucoup trop loin dans leurs exigences envers les organisateurs. Dans notre activité de conseil, nous leur recommandons aujourd’hui de revoir leurs plans. Il est tout à fait possible de placer les acteurs d’un événement dans les meilleures conditions, les athlètes en priorité, sans imposer aux organisateurs un cahier des charges exubérant.

La pandémie a également contraint les instances internationales, CIO en tête, à renoncer à sillonner la planète pour réunir leurs élus. La visioconférence va-t-elle durer dans le mouvement sportif ?

Elle va durer, sans doute, car elle a prouvé son efficacité. Les décisions sont prises. Les choses avancent. Mais il sera difficile, et peu souhaitable, de supprimer la présence physique, le lien et la discussion. L’échange en face à face restera indispensable, mais le superflu sera écrémé. Les instances internationales vont peut-être établir des priorités. L’indispensable justifiera toujours un voyage, mais l’accessoire restera virtuel.

La crise sanitaire et ses effets économiques annoncent-ils une longue période où les instances internationales auront du mal à trouver des villes ou pays candidats aux grands événements ?

Je ne crois pas. Le calendrier sportif va reprendre son cours normal. Il faudra toujours organiser un championnat d’Europe ou du monde. En faisant l’effort d’alléger leurs cahiers des charges, les fédérations internationales ne manqueront pas de candidatures. Malgré la crise, nous travaillons actuellement sur pas mal de dossiers d’organisateurs qui veulent postuler à un événement.

Le confinement a été marqué, dans plusieurs disciplines, par l’émergence d’un calendrier d’événements virtuels. Est-ce une tendance forte ?

Le sport virtuel n’est pas un épiphénomène. On le voyait naître avant la crise sanitaire, mais la pandémie a accéléré son développement de façon exponentielle. La tendance va se renforcer, mais sans constituer une concurrence pour le sport plus traditionnel. Le virtuel vient en complément, pour attirer un autre public. Dans le monde d’après, les fédérations internationales et les organisateurs d’événements qui s’en sortiront le mieux seront ceux qui proposeront les deux versions, le virtuel et le réel.