— Publié le 7 mai 2020

Pour Paris 2024, faire aussi bien en dépensant moins

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Subtil timing. Tony Estanguet, le président du COJO Paris 2024, a profité de la date de son 42ème anniversaire, mercredi 6 mai, pour prendre sa plus belle plume et rédiger une longue lettre à la « famille olympique » française.

Elle a été envoyée en début de matinée. Puis le triple champion olympique, confiné en famille dans sa maison de Pau, a partagé avec son directeur de cabinet, Michaël Aloïso, un « temps d’échange » avec les médias, le premier depuis le début de la crise sanitaire.

A l’écrit comme à l’oral, Tony Estanguet et son bras droit se servent du même message. Il tient en quelques expressions. « Les Jeux de Paris 2024, ce projet fédérateur que nous avons bâti ensemble, constituent un horizon commun pour relever le défi » de la crise sanitaire actuelle, insiste le président du COJO. « La crise nous oblige aussi à nous remettre en question, à continuer à nous adapter. À nous réinventer », poursuit-t-il dans son courrier aux parties prenantes de Paris 2024, sportives, institutionnelles et économiques.

Face aux médias, il a suggéré que le défi sera « immense ». Et précisé : « Nous allons devoir garder toujours un coup d’avance et trouver des marges de manœuvre pour anticiper les imprévus. Mais nous ne toucherons pas l’ADN de Paris 2024, à savoir un spectacle et une émotion collective très forts, avec une dimension d’héritage pour la société française, notamment le département de la Seine-Saint-Denis. »

Le message est clair. Tony Estanguet et Michaël Aloïso se veulent rassurants, à défaut de verser dans une sérénité qui serait mal perçue en ces temps d’incertitude. Les Jeux de Paris 2024 peuvent surmonter la crise et respecter leurs objectifs budgétaires, disent-ils, sous réserve de trouver les bons outils pour rogner un peu partout dans les dépenses.

Comment ? Un groupe de travail à été constitué au sein du COJO pour plancher sur la question. Sa mission : dénicher les lignes budgétaires où il sera possible de tailler dans le gras sans sacrifier les services aux athlètes, la qualité du spectacle et le niveau d’organisation.

Avec une enveloppe initiale de 3,8 milliards d’euros, le COJO possède à coup sûr les « marges de manœuvre » évoquées cette semaine par son président. Mais les deux hommes ont prévenu : les organisateurs ne toucheront pas au programme sportif. « Il n’est pas question de dégrader le projet », insiste Tony Estanguet.

La solution serait donc ailleurs. Au rayon transport, par exemple. Michaël Aloïso explique : « Le système de transport est traditionnellement organisé par familles : athlètes, officiels, médias, spectateurs… Mais il doit être possible de réaliser des économies en le mutualisant. » Officiels et médias pourraient, par exemple, partager certaines navettes en période de faible ou moyenne affluence.

Autre piste, envisagée par le COJO avant même le début de la pandémie de COVID-19 : la sous-traitance pour la gestion de certains sites olympique. Les organisateurs pourraient « casser les codes », pour reprendre l’une des expressions fétiches de Tony Estanguet, en externalisant la maîtrise d’un site à une fédération sportive ou un prestataire privé, l’une et l’autre étant censés en connaître par cœur le fonctionnement et les contraintes.

La Fédération française de tennis (FFT), propriétaire-exploitant du stade Roland-Garros, où sont prévues les épreuves de tennis et de boxe, pourrait se voir confier la responsabilité du site. Michaël Aloïso l’explique : « C’est une question d’équilibre entre les coûts, la complexité du dossier, et la gestion du risque. »

Reste une inconnue : les recettes. Tony Estanguet le martèle : la crise sanitaire actuelle ne remet pas en question l’objectif de 1,2 milliard d’euros en recettes de marketing fixé par le COJO. Cool. Il assure que les discussions se poursuivent avec les potentiels partenaires privés de Paris 2024. « Les entreprises françaises vont avoir besoin malgré tout de s’associer à des moments forts », explique-t-il. Tony Estanguet se dit même confiant sur la capacité du COJO de signer des contrats avant la fin de l’année.

Mais son directeur de cabinet n’en fait pas mystère : la « temporalité » des engagements de certains poids lourds de l’économie française ne sera pas la même dans le monde d’après. « Dans certains secteurs d’activité, il est évident que la priorité ne sera plus de s’associer aux Jeux de Paris 2024″, suggère Michaël Aloïso. En clair, le COJO devra se montrer patient.

Difficile, en effet, d’imaginer voir Air France-KLM, par exemple, signer un contrat à trois chiffres avec le COJO dans les mois à venir, après avoir sollicité un prêt de 7 milliards d’euros de l’Etat français pour sauver son avenir. La compagnie aérienne fait pourtant figure de partenaire naturel des Jeux de Paris 2024.