— Publié le 14 février 2019

Sur le dopage, les athlètes prennent une nouvelle voix

Institutions Focus

Une révolution ? Peut-être. Un nouvelle organisation vient de voir le jour dans le monde déjà très encombré du mouvement sportif international. Elle se veut indépendante. Elle ambitionne de porter la voix des athlètes, seulement les athlètes, dans le combat pour un sport propre et sans dopage.

Son nom : Global Athlete. Tout est dit. Les athlètes, donc. En toute indépendance. A sa tête, deux personnalités : Callum Skinner et Rob Koehler.

Le premier a décroché l’or olympique en cyclisme sur piste aux Jeux de Rio 2016, dans l’épreuve de la vitesse par équipes. Callum Skinner est britannique.

Le second a travaillé pendant plus de 15 ans à l’Agence mondiale antidopage (AMA), jusqu’à occuper le poste de directeur général adjoint. Il l’a quitté en août 2018. Rob Koehler (photo ci-dessous) est canadien.

Pour l’un comme pour l’autre, les récentes affaires de dopage dans le sport, le scandale de la Russie aux Jeux de Sotchi en tête, ont mis en pleine lumière la faillite du mouvement sportif international à combattre le fléau. Les athlètes attendaient des réponses. Ils patientent encore.

« Nous sommes tous d’accord sur un point : la façon dont la voix des athlètes a été prise en compte par l’AMA et par le CIO a été très décevante, explique Callum Skinner. Il n’est pas question d’affirmer que la Russie ne devrait pas être réintégrée. Mais il est temps d’essayer de changer le système, pour ne plus revivre à l’avenir une telle situation. »

Rob Koehler, présenté comme le futur directeur général de Global Athlete, l’a précisé : l’organisation ne se focalisera pas seulement sur les affaires de dopage. Elle prendra également position sur les cas de harcèlements, sexuels ou moraux.

Le Canadien explique : « Les athlètes en ont assez d’être rejetés et de ne pas être écoutés. Ils sont fatigués d’être considérés comme des gens mal informés, incapables d’avoir une vue d’ensemble sur un problème ou une affaire. Ils veulent participer au développement du sport avec leurs dirigeants. »

A ce jour, la nouvelle organisation regroupe seulement huit athlètes. Mais les autres suivront. Plusieurs noms devraient être annoncés dans les prochaines semaines.

Global Athlete est financée par FairSport, une ONG basée aux Etats-Unis, derrière laquelle apparaissent notamment le Norvégien Johann Koss, quadruple champion olympique de patinage de vitesse, et l’ex escrimeuse allemande Claudia Bokel, ancienne présidente de la commission des athlètes du CIO. La nouvelle structure bénéficie également de l’aide de plusieurs donateurs individuels. Mais Rob Koehler insiste : les institutions sportives, les gouvernements et les organisations antidopage n’interviendront pas dans le fonctionnement et les décisions de Global Athlete.

Le Canadien explique : « Nous ne cherchons pas à discréditer les comités d’athlètes, celui du CIO comme celui de l’AMA. Mais il est évident que l’un et l’autre ne parviennent pas à représenter la totalité des athlètes. »

L’AMA et le CIO n’ont pas encore officiellement réagi à l’annonce de l’arrivée dans le jeu de ce nouvel acteur. Mais Kirsty Coventry, la présidente de la commission des athlètes du CIO, n’a pas attendu pour exprimer son point de vue. « Il est décevant que ce groupe semble croire qu’aucun d’entre nous ne se soucie des athlètes », a-t-elle regretté.

L’ancienne nageuse, aujourd’hui ministre des Sports au Zimbabwe, rappelle que les représentants à la commission des athlètes du CIO sont élus de façon démocratique par leurs pairs, issus des 206 pays du mouvement olympique.

Une voix nouvelle, donc. Elle semble de taille à se faire entendre. A condition, toutefois, de rallier derrière elle les nombreux déçus du mouvement sportif.