— Publié le 29 octobre 2025

L'Indonésie flirte avec le hors-jeu

Institutions Focus

La course à l’organisation des Jeux olympiques et paralympiques 2036 bat son plein. La Corée du Sud a désigné la province du Jeolla du Nord pour défendre ses chances, l’Inde fourbit ses armes derrière Ahmedabad, le Qatar a confirmé sa candidature cet été, et d’autres prétendants comme l’Allemagne, la Turquie ou l’Arabie saoudite pourraient se mêler à la lutte. Un candidat a sans doute perdu gros ces derniers jours : l’Indonésie, qui a pris la foudre du CIO en faisant de la venue de gymnastes israéliens à Jakarta un sujet politique. Une affaire qui risque de peser lourd, et de repousser les rêves olympiques du pays à une date bien plus lointaine.

Non-discrimination et neutralité politique

La délégation israélienne qui devait participer aux Championnats du monde de gymnastique, à Jakarta, du 19 au 25 octobre, n’a pas pu se joindre à l’événement. Les autorités lui ont en effet fermé la porte au nez en refusant les demandes de visas déposés pour l’occasion. Inadmissible pour le CIO. « Tous les athlètes, équipes et officiels sportifs remplissant les critères d’admissibilité doivent pouvoir participer aux compétitions et manifestations sportives internationales, sans subir aucune forme de discrimination de la part du pays hôte, conformément à la Charte olympique et aux principes fondamentaux de non-discrimination, d’autonomie et de neutralité politique qui régissent le Mouvement olympique », a-t-il rappelé dans un communiqué. Unir, et non pas diviser.

L’Indonésie fait partie des soutiens les plus fidèles de la Palestine. À ce titre, elle ne reconnaît pas Israël et n’entretient pas de relations diplomatiques avec l’Etat hébreu. Dans un contexte tendu, alors que des enquêteur de l’ONU ont admis en septembre qu’Israël commettait un génocide à Gaza, la raison du refus des visas israéliens ne fait pas vraiment de doute. Le CIO, qui s’inquiétait déjà des « tensions politiques » en septembre, a récemment créé un groupe de travail sur la protection des principes fondamentaux de l’Olympisme, chargé de veiller à ce que le CIO, les Jeux olympiques et le sport « demeurent politiquement neutres et puissent remplir leur mission, à savoir unir le monde autour d’une compétition pacifique ». Une réaction ferme était donc attendue, et elle est venue.

Une réunion pour apaiser les choses mardi

Dans un communiqué publié le 22 octobre, la commission exécutive de l’instance annonce ainsi « mettre fin à toute forme de dialogue avec le CNO d’Indonésie » concernant l’organisation de tout événement, dont les Jeux olympiques et les Jeux olympiques de la Jeunesse, « tant que le gouvernement indonésien n’aura pas fourni au CIO des garanties suffisantes assurant que tous les participants, quelle que soit leur nationalité, pourront se rendre dans le pays ». Elle est allée plus loin et a appelé les fédérations internationales à marginaliser l’archipel en émettant la recommandation « de ne pas organiser de réunions ni de manifestations sportives internationales en Indonésie ».

D’autres voix au sein du Mouvement olympique, notamment le président des Comités olympiques européens, Spyros Capralos, avaient demandé une réaction sévère face à cette affaire. Le Grec soulignait d’ailleurs que l’Indonésie avait déjà manqué à ses obligations en abandonnant l’organisation des Jeux mondiaux de plage en 2023, à quelques semaines de l’échéance. « L’Indonésie montre une fois de plus qu’elle ne respecte pas l’esprit ni les responsabilités d’un hôte sportif mondial, cinglait-il. Si nous laissons la discrimination et l’ingérence politique se poursuivre sans contrôle, nous risquons d’éroder les fondements mêmes du sport international. »

Le président du CNO indonésien (KOI), Raja Sapta Oktohari, a participé à une réunion mardi avec le CIO. Une première étape vers l’apaisement. Les échanges ont donné « des résultats positifs » selon le communiqué du KOI. « La position du gouvernement indonésien reflète celle de la nation indonésienne. Nous soutenons et respectons la Charte olympique, mais nous défendrons toujours la paix dans le monde. (…) Nous sommes parvenus à améliorer la communication avec le CIO. Ce dernier comprend la position de l’Indonésie, et nous comprenons également sa responsabilité de faire respecter le principe de non-discrimination. Désormais, l’attention ne se porte plus sur les problèmes d’hier, mais sur la manière dont nous pouvons avancer pour construire ensemble des solutions. »

L’Indonésie n’est pas définitivement écartée de la course aux JO 2036, d’autant que Kirsty Coventry a mis le processus d’attribution sur pause. En revanche, cet écart de conduite risque de se payer cher compte tenu de la concurrence : le CIO aura a priori l’embarras du choix, avec de solides candidats. Des candidats qui seront restés dans le cadre et qui ne traîneront pas de boulet au pied.