« Les Jeux ont montré que les personnes en situation de handicap avaient des capacités »
— Publié le 7 septembre 2025
La France célébrait samedi la troisième édition de la Journée paralympique : initiations, démonstrations, parade des athlètes, concerts… La fête s’est déroulée dans un contexte particulier en raison des coupes budgétaires « incompréhensibles, injustes et dangereuses » dixit le Comité paralympique et sportif français. Entretien avec Gaël Rivière, champion paralympique de cécifoot et président de la Fédération française handisport, sur l’héritage mitigé des Jeux paralympiques de Paris 2024.
En quoi célébrer les Jeux, comme lors de la Journée paralympique, est-il important ?
À la faveur des Jeux, un lien s’est tissé entre nos athlètes et le grand public. Beaucoup de nos athlètes ont gagné une petite place dans l’imaginaire collectif sportif des Français, c’est l’occasion de retrouver le public, d’échanger et de continuer à faire parler du handisport et du parasport. L’héritage des Jeux se construit en permanence. Il ne faut pas simplement vivre dans les souvenirs, il faut continuer à écrire des pages.
Vous comptez près de 30.000 licenciés. Vous avez constaté un effet Paris 2024 ?
Oui, c’est assez remarquable. Sur le champ des disciplines paralympiques, on a noté une augmentation entre 5 et 30%. Le cécifoot fait + 17%, le goalball + 30%, le tennis de table + 5%. On a vu des augmentations vraiment substantielles. Il y a même eu un effet sur les disciplines d’hiver, qui ont augmenté de 27%. On est en progrès constant depuis plusieurs années, les Jeux s’inscrivent dans cette lignée.
Au-delà de cette hausse du nombre de licenciés, comment jugez-vous l’héritage de ces Jeux ?
L’héritage est contrasté. Je préfère personnellement envisager le verre à moitié plein plutôt que le verre à moitié vide, donc j’ai envie de retenir deux choses : un héritage matériel avec la construction d’infrastructures plus accessibles – en nombre toujours insuffisant, mais un mouvement a été initié. L’enjeu est de le poursuivre. Il y a aussi un héritage immatériel : grâce aux Jeux, on a pu montrer que les personnes en situation de handicap étaient porteuses de capacités et de compétences, parfois hors du commun. L’enjeu pour nous est de continuer à diffuser ce message de compétences des personnes en situation de handicap, autant sur les terrains que dans l’encadrement. Les Jeux ont permis de changer les regards sur les personnes en situation de handicap. Grâce aux Jeux, grâce au sport, on a réussi à ébranler ces préjugés en montrant que les personnes en situation de handicap pouvaient être porteuses de capacités et de compétences.
Vous dîtes souvent que l’on est passé « de la compassion à la passion ».
C’est tout à fait ça. La force du sport, c’est que les gens sortent du stade en passionnés, en supporters acharnés. C’est une grande réussite des Jeux paralympiques. Combien de gens je croise qui me disent qu’ils ont été émus, bouleversés, stupéfaits par la finale de cécifoot. Des gens me disent qu’ils étaient à un mariage et qu’ils se sont retrouvés à quinze autour d’un téléphone pour regarder les tirs au but… L’émotion sportive a remplacé une espèce d’attitude compassionnelle qui peut parfois exister à l’égard des personnes en situation de handicap.
Qu’en est-il de l’exposition du parasport aujourd’hui ?
Avant les Jeux, il n’y avait rien, ou presque rien. Les médias s’intéressent aujourd’hui davantage aux paralympiques. France TV a diffusé un match de championnat de cécifoot, beIN Sports a diffusé du foot fauteuil récemment… Il y a un progrès. Par contre, on ne peut que regretter que le parasport n’occupe pas une place encore plus grande à la télévision et dans les médias. On n’est pas au niveau où on espère être, il y a un déficit de diffusion, mais on a démontré lors des Jeux que nos disciplines pouvaient intéresser le public. Nous sommes sur le bon chemin.
Comment ont évolué vos moyens financiers ?
Notre budget est resté dans un périmètre similaire. On reste attentif à ce qu’on entend sur le budget de l’État, car nous dépendons de manière substantielle des fonds publics. Les signaux ne sont pas très clairs, voire inquiétants. On a un travail à faire avec les partenaires privés. Nous sommes convaincus que le parasport est porteur de valeurs qui ont un intérêt économique pour davantage de partenaires privés. Surfer sur la vague des Jeux, c’est aussi essayer de prendre une vague économique pour franchir un cap dans l’accompagnement de notre fédération et de nos athlètes par des ressources privées.
Vous sentez que les entreprises sont plus sensibles au parasport ?
On sent un intérêt grandissant, oui, malgré la conjoncture. On sent que le handisport intéresse des partenaires, qui se disent que la boccia ou le cécifoot peuvent être des instruments de cohésion interne, de publicité, de performance économique, etc. Le seul regret, c’est que si l’environnement économique avait été plus favorable, cet engouement aurait eu une ampleur encore plus grande.