— Publié le 6 décembre 2023

Sur la question russe, le mouvement olympique ne veut plus attendre

Institutions Focus

La communication est un art subtil au CIO. Un exercice de précision, où chaque mot est choisi avec des soins d’orfèvre, avec l’objectif d’en dire assez pour se faire comprendre, mais sans jamais laisser le propos aller trop loin.

Mardi 5 décembre, le 12ème Sommet olympique organisé par l’instance dans son fief de Lausanne en a apporté l’une des plus belles illustrations. Présidée par Thomas Bach, la réunion d’une journée des principaux acteurs du mouvement olympiques a accouché d’une déclaration en quarante points. Pas un de moins.

Mais seulement quatre d’entre eux, noyés dans le corps du texte, méritent une double lecture. Ils concernent la question la plus débattue de l’année dans le mouvement olympique : la participation des athlètes russes et biélorusses aux Jeux de Paris 2024.

Fidèle à sa ligne de conduite, et plus encore à sa stratégie de communication, le CIO n’y répond pas formellement. Pas encore. Mais les conclusions du Sommet olympique laissent peu de place au doute : les athlètes individuels neutres portant un passeport russe ou biélorusse, pour reprendre la formulation en vigueur, seront bien de la partie. Sous conditions, évidemment, et sans doute en nombre réduit. Mais, sauf improbable scénario, ils verront les Jeux de Paris 2024.

Le CIO l’explique : la demande d’autoriser les athlètes neutres à vivre de l’intérieur le prochain rendez-vous olympique vient des représentants des fédérations internationales. Ils l’auraient formulée lors du Sommet olympique. Une forme de paradoxe, sachant que ces mêmes fédérations internationales ont accepté les unes après les autres de réintégrer les athlètes russes, depuis le printemps dernier, à la demande de la commission exécutive du CIO.

Toujours selon le communiqué officiel, le sujet serait désormais jugé urgent. Les fédérations internationales ne veulent pas attendre. Elles ont demandé « qu’une décision soit prise dans les plus brefs délais afin de clarifier l’ensemble des procédures de qualification olympique pour tous les athlètes concernés. »

Rapidos, donc. Mais quand ? La lecture du calendrier de l’instance olympique apporte un début de réponse. La prochaine réunion de la commission exécutive du CIO est prévue le 18 janvier. Elle doit se tenir à Gangwon, en Corée du Sud, à la veille de l’ouverture des Jeux d’hiver de la Jeunesse 2024. La date semble propice. Plus tard repousserait la décision de deux mois, avec une réunion suivante de la dite commission peu après la mi-mars.

Précision presque superflue : la demande formulée mardi 5 décembre par les fédérations internationales a été soutenue sans un hoquet par les autres composantes du mouvement. « Les représentants des associations continentales de CNO et le président de l’ACNO (le Fidjien Robin Mitchell) ont appuyé cette demande dans l’intérêt des CNO et de leurs athlètes », explique le communiqué.

Même soutien sans faille de la part de la commission des athlètes. Sa présidente, l’ancienne fondeuse finlandaise Emma Terho, était présente au Sommet olympique. Elle s’est « félicitée de cette demande des fédérations internationales de sports d’été et des CNO, indique le communiqué. Elle a fait savoir que la grande majorité des athlètes, partout dans le monde, estimaient que les athlètes ne devraient pas être sanctionnés pour les actions de leurs gouvernements (…) En conclusion, elle a indiqué que les athlètes apprécieraient que la question de savoir si des athlètes individuels neutres allaient pouvoir concourir à Paris soit éclaircie, tout comme les conditions de leur participation, car les Jeux olympiques de Paris 2024 approchent à grands pas. »

La messe est dite ? Probable. Reste à connaître le calendrier précis de la décision. A l’évidence, le temps presse et l’annonce officielle de la participation des athlètes russes et biélorusses ne devrait plus tarder.

La porte s’ouvre, donc, mais le CIO n’entend pas relâcher la pression sur Moscou. Mardi 5 décembre, le Sommet olympique n’a pas seulement abordé la question russe sous l’angle des athlètes. L’instance a rappelé une nouvelle fois, toujours avec la même fermeté, qu’elle ne laisserait pas la Russie imposer ses propres événements dans le calendrier international, dont les Jeux de BRICS en juin prochain à Kazan, puis les Jeux mondiaux de l’Amitié au mois de septembre 2024 à Moscou et Ekaterinburg.

Mais, là aussi, le CIO a laissé ses autres composantes parler à sa place. Emma Terho a exprimé « l’inquiétude des athlètes d’être contraints de participer à de tels événements sportifs à caractère politique, devenant ainsi partie intégrante d’une campagne de propagande politique. »

Même son de cloche du côté de l’Association des fédérations internationales des sports olympiques d’été (ASOIF) et de celle des sports d’hiver (AIOWF). Elles ont rappelé « leurs recommandations adressées aux FI de ne pas participer, de quelque manière que ce soit, à de tels événements sportifs à caractère politique. Elles ont confirmé que toutes les FI devraient refuser d’envisager l’inscription de ces événements dans leur calendrier sportif international et ne pas reconnaître les résultats obtenus par les athlètes lors de ces événements. » Tout est dit. Ou presque.