— Publié le 22 novembre 2023

La Trêve olympique est adoptée, mais le bras de fer continue

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La séquence aurait pu être seulement protocolaire. Une étape très diplomatique, rien de plus, sur la route des Jeux de Paris 2024. Mais le débat aux Nations Unies sur la Trêve olympique, mardi 21 novembre à New York, a tourné à la querelle politique entre la Russie et le CIO.

Pas de mauvaise surprise pour Tony Estanguet, le président du COJO Paris 2024 (photo ci-dessus), venu en costume et cravate présenter la Trêve olympique au nom de la France dans l’imposant amphithéâtre de l’ONU à New York : la résolution a été adoptée. Pas moins de 118 pays l’ont votée, pour seulement deux abstentions – la Russie et la Syrie -, et aucune voix contre.

Deux ans plus tôt, la Trêve avait été adoptée par 173 des 193 états membres des Nations Unies, avant les Jeux d’hiver de Pékin 2022. Mais la Russie, qui l’avait acceptée sans se démarquer, avait ensuite violée la trêve en déclenchant son offensive militaire en Ukraine quatre jours seulement après la fin de l’événement olympique.

Selon une tradition relancée par le CIO après les Jeux de Barcelone en 1992, la Trêve olympique débutera sept jours avant les Jeux olympiques de Paris 2024. Elle prendra fin sept jours après la clôture des Jeux paralympiques. Selon la résolution adoptée à New York, la fenêtre de paix s’ouvrira donc le 19 juillet, pour se refermer au soir du 15 septembre.

Invité à la tribune, Tony Estanguet a joué sa partition sans la moindre fausse note. S’exprimant au nom du gouvernement français, il a évoqué le village des athlètes, « l’incarnation la plus symbolique de l’universalité des Jeux, un lieu où, quelle que soit sa nationalité, son genre ou sa couleur de peau, il est possible de vivre en harmonie et dans le respect des autres. »

Puis le président du COJO a terminé son discours par ces mots : « Aujourd’hui, nous portons auprès de vous un message fort, un message universel en faveur de la paix, selon la tradition antique grecque de la Trêve olympique. C’est avec humilité devant le cours des événements du monde, mais aussi avec une profonde conviction, que je me tiens devant vous. Celle que, plus que jamais, le sport a un rôle à jouer et peut nous aider à faire un pas vers un monde meilleur. Les Jeux de Paris 2024 sont prêts à y prendre leur part. »

Rien à dire. Le job a été fait. Mais l’élégance de Tony Estanguet et le sérieux de son propos n’ont pas pu empêcher la Russie et le CIO de poursuivre à New York leur querelle politique. Avec, dans les deux rôles principaux, Thomas Bach et Maria Zabolotskaya, la représentante permanente adjointe de la Russie auprès de l’ONU.

La diplomate russe était invitée à s’exprimer avant le président du CIO. Elle en a profité pour lancer l’offensive. « Le comble de l’hypocrisie et du cynisme, comme nous n’en avons jamais vu dans l’histoire récente, est l’exclusion illégale des athlètes russes des compétitions sportives internationales, a-t-elle déclaré. Les deux poids, deux mesures et la ségrégation fondée sur la nationalité défendue par les dirigeants du CIO constituent une violation des droits de l’homme fondamentaux. »

Maria Zabolotskaya a également assuré que son pays était « en faveur de compétitions honnêtes et équitables », avant d’inviter le monde entier à participer en septembre prochain à Moscou et Ekaterinburg aux Jeux de l’Amitié.

La réaction de Thomas Bach ? Un discours de 13 minutes, où il a suggéré que la Trêve olympique était « plus pertinente que jamais » dans ce « monde fragile », assurant que « oui, nous pouvons nous rassembler, même en temps de guerre et de crise. »

Le président du CIO a répondu à la volonté de la Russie d’organiser ses propres événements internationaux, dont les Jeux de BRICS en juin 2024 à Kazan, puis les Jeux de l’Amitié trois mois plus tard. Un projet qui signifierait, selon lui, que « le sport deviendrait un élément des tensions politiques et des divisions dans notre monde. »

Thomas Bach a bouclé son exercice oratoire en reprenant les paroles de John Lennon, par une demande de « donner une chance à la paix. » Il s’était servi de la même formule aux Jeux d’hiver de Pékin 2022. A l’évidence, elle n’a pas été entendue.