La date approche. A grands pas. A une année et quelques jours des Jeux de Paris 2024, la capitale française plongera bientôt dans le grand bain paralympique. Elle accueillera au stade Charléty, du 8 au 17 juillet 2023, les championnats du monde de para athlétisme.
A un peu plus de quatre semaines de l’ouverture, FrancsJeux a interrogé l’un des piliers de l’équipe de France. Ronan Pallier (photo ci-dessus), 52 ans, déficient visuel, a décroché à deux reprises une médaille de bronze paralympique (4×100 m à Pékin 2008, longueur à Tokyo 2020). Il évoque les Mondiaux 2023 à Paris avec impatience. Mais sans faire mystère des attentes souvent déçues du mouvement paralympique.
FrancsJeux : Les Mondiaux de para athlétisme 2023 à Paris seront-ils différents des éditions précédentes ?
Ronan Pallier : Certainement. Je suis en équipe de France depuis 2003. En vingt ans, j’en ai connu, des rendez-vous mondiaux ou continentaux. Mais ces championnats du monde auront une importante toute particulière car ils peuvent permettre de se qualifier dès le mois de juillet 2023 pour les Jeux paralympiques de Paris. Les quatre premiers décrocheront leur billet. Le plus tôt nous serons qualifiés, le mieux ce sera. Et puis, ces Mondiaux vont se tenir en France, ils seront un avant-goût des prochains Jeux paralympiques. Il sera intéressant de voir la réaction du public, de mesurer son intérêt. La compétition permettra aussi de lui faire découvrir ou mieux connaître les athlètes handisport. Certaines de nos disciplines manquent de visibilité. Ce sont toujours un peu les mêmes épreuves, les courses surtout, qui sont mises en avant.
Les organisateurs ont fait le choix, pour la première fois, de mettre en place une billetterie payante. Est-ce une bonne idée ?
Bien sûr. Les Mondiaux d’athlétisme ont une billetterie chez les valides. Il doit y en avoir une également en para athlétisme. Cela fait avancer les choses. La billetterie permet de donner plus de moyens à la fédération, aux pouvoirs publics. Elle contribue à professionnaliser notre sport et ses meilleurs athlètes. Mais les gens qui aiment vraiment le sport ne se posent pas la question. Ils veulent voir les meilleurs athlètes, qu’ils soient valides ou non.
Le para athlétisme évolue-t-il beaucoup ?
Depuis une dizaine d’années, le niveau des performances ne cesse de monter. Aujourd’hui, les meilleurs athlètes handi ont rejoint les athlètes valides de niveau national. Dans ma discipline, le saut en longueur, il faut dépasser les 7 m. Le matériel évolue lui aussi, mais surtout pour les athlètes amputés. Pour moi, il n’y a pas de différence. Je continue à courir et sauter dans le noir complet, en me dirigeant à l’oreille.
La perspective des Jeux paralympiques de Paris 2024 a-t-elle eu un impact sur votre situation personnelle et votre préparation ?
Je suis l’un des rares athlètes français à être professionnel. Je le dois aux aides que je reçois de mon département, de ma région et des partenaires privés. Les moyens sont à la hausse, on sent une plus grande rigueur. L’effet Paris 2024 est réel. Mais il n’est pas certain qu’il en reste quelque chose une fois les Jeux passés. Paris 2024 est une vitrine, mais il en faudrait plus pour changer les choses. Le seul pays où les Jeux paralympiques ont fait une vraie différence est la Grande-Bretagne. Un plan de développement avait été mis en place avant les Jeux de Londres 2012. Il a été concrétisé par un grand nombre de médailles paralympiques. Mais les effets ont duré. Toute une organisation a été mise en place pour professionnaliser le sport et ses athlètes. En France, je ne ressens encore rien de comparable.
Le COJO Paris 2024 multiplie les initiatives pour mettre les Jeux olympiques et paralympiques au même niveau. Va-t-il dans la bonne direction ?
Je crois, oui. Le logo est commun, l’équipe de France est la même. La billetterie des Jeux olympiques s’est avérée un gouffre financier pour beaucoup de familles, celle des Jeux paralympiques devrait en profiter. Elle sera ouverte en octobre. Les billets seront moins chers, l’événement plus accessible. Nous devrions avoir beaucoup de monde sur les sites de compétition. Mais tant qu’il n’y aura pas une osmose au niveau international entre les instances dirigeantes, nous n’aurons pas les anneaux olympiques. C’est dommage. Pour Paris 2024, le COJO fait de son mieux pour favoriser les rencontres et les échanges entre les athlètes olympiques et paralympiques. Il y avait un vrai manque de communication. Mais les quelques athlètes valides qui s’investissent dans le mouvement handisport le font souvent car ils sont concernés à titre personnel, via un proche atteint d’un handicap. Pour le reste, on voit rarement des grands noms du sport français venir assister à nos compétitions.