— Publié le 15 septembre 2022

A Tokyo, les arrestations se ramassent à la pelle

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La série prend de la vitesse au Japon. Près de deux mois après le début de l’affaire, une nouvelle arrestation est venue alimenter mercredi 14 septembre le feuilleton déjà riche en rebondissements du scandale de corruption lié aux Jeux de Tokyo 2020.

Comme pour les précédentes, elle concerne un personnage jusque-là très respecté de l’économie japonaise, un patron d’entreprise presque octogénaire, toujours élégant et jamais pris en défaut. Tsuguhiko Kadokawa (photo ci-dessus), 79 ans, président de la maison d’édition portant son nom, a été arrêté mercredi à son domicile. Il est soupçonné d’être impliqué dans le scandale de corruption aux Jeux de Tokyo, où son entreprise était partenaire du comité d’organisation.

Tsuguhiko Kadokawa est accusé par les procureurs de Tokyo d’avoir versé 69 millions de yens – 481.000 dollars au cours actuel – en pots-de-vin à une société de conseil liée à Haruyuki Takahashi, un ancien membre du conseil d’administration de Tokyo, arrêté le mois dernier dans le cadre de la même enquête.

Selon plusieurs sources proches du dossier, l’argent aurait été versé en « remerciement » pour avoir aidé la maison d’édition à être sélectionnée par le comité d’organisation comme partenaire du programme de marketing. Le contrat avait été signé en avril 2019. Kadokawa Corp était devenu sponsor des Jeux dans la catégorie « éditeur de livres et de magazines« , un statut qui lui avait notamment assuré la conception et production de nombreux manuels et guides officiels des Jeux olympiques et paralympiques.

Tsuguhiko Kadokawa n’a pas été le seul représentant de sa maison d’édition à devoir suivre les enquêteurs. Deux autres cadres de la société, Toshiyuki Yoshihara, 64 ans, et Kyoji Maniwa, 63 ans, ont eux aussi été arrêtés.

Les trois hommes auraient fait équipe pour assurer le versement des fonds, en neuf transactions successives effectuées entre septembre 2019 et janvier 2021, vers une société de conseil dirigée par Kazumasa Fukami. Ce dirigeant japonais lui aussi septuagénaire n’avait pas encore été cité dans le cadre de cette vaste enquête à tiroirs. Comme Haruyuki Takahashi, il est un ancien cadre de haut rang de l’agence japonaise de publicité et relations publiques Dentsu.

Fils du fondateur de la maison d’édition à son nom, Tsuguhiko Kadokawa nie les faits. Il a déclaré la semaine passée aux médias n’avoir jamais eu connaissance du moindre pot-de-vin. Il reconnait l’existence de versements à une société de conseil, mais assure qu’ils concernaient une prestation d’accompagnement dans la stratégie sportive de sa société.

Créée en 1945 par le père de l’actuel président, Kadokawa Corp a débuté ses activité dans l’édition de livres et magazines, avant de se diversifier dans le divertissement, notamment dans le cinéma et sur Internet.

Tsuguhiko Kadokawa est le deuxième dirigeant d’entreprise à être arrêté dans le cadre de l’affaire de corruption liée aux Jeux de Tokyo. Hironori Aoki, ancien président de la marque de costumes pour hommes à son nom, également partenaire des derniers Jeux d’été, l’avait précédé le mois dernier.

La suite pourrait quitter Tokyo pour s’étendre à Osaka, siège de l’agence de publicité Daiko Advertising Inc. Elle est également soupçonnée d’avoir versé des pots-de-vin au cabinet de conseil dirigé par Kazumasa Fukami.

Question : le feuilleton de la corruption aux Jeux de Tokyo affectera-t-il la candidature de Sapporo pour les Jeux d’hiver en 2030 ? A ce stade de l’affaire, rien ne le laisse présager. Un récent sondage d’opinion commandé par un quotidien japonais a révélé un taux de soutien stable et toujours solide pour le projet de la capitale de la préfecture d’Hokkaido. Il reste supérieur à la barre des 50 %.

Le CIO, de son côté, a saisi l’opportunité de la récente réunion de sa commission exécutive pour assurer que l’annulation de la visite à Lausanne du maire de Sapporo et du président du comité olympique japonais, programmée pour la mi-septembre, n’était en aucun cas liée à l’affaire.

Le report à l’automne 2023 de la prochaine session du CIO, initialement prévue à partir du 30 mai à Mumbai, recule d’autant le choix de la ville-hôte des Jeux d’hiver 2030. L’instance olympique pourrait également en profiter pour reculer également l’annonce de la candidature privilégiée, seule invitée à poursuivre le dialogue. En gagnant ainsi une poignée de mois, le CIO laisserait l’affaire des Jeux de Tokyo se diluer dans le temps. Et Sapporo 2030 retrouver des couleurs.