— Publié le 18 août 2022

Pour Tokyo 2020, les temps des arrestations

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Sombre héritage pour les Jeux de Tokyo. Une année et une poignée de jours après la fin de l’événement olympique, l’actualité rouvre le dossier Tokyo 2020. Mais, cette fois, elle s’installe à la rubrique judiciaire.

Haruyuki Takahashi (photo ci-dessus), souvent présenté comme l’un des dirigeants les plus influents du mouvement olympique japonais, a été arrêté mercredi 17 août à Tokyo. Avec lui, trois autres hommes ont subi le même sort, dont l’ancien fondateur et président d’une marque de vêtements devenue partenaire officiel du comité d’organisation des Jeux de Tokyo.

Les quatre hommes sont soupçonnés de corruption.

Le début de l’affaire remonte à près de quatre semaines. Le 21 juillet dernier, deux jours avant la date symbolique de J + 1 après l’ouverture des Jeux de Tokyo, les médias japonais ont révélé l’existence d’une enquête sur des présumés pots-de-vin relatifs au dernier événement olympique et paralympique dans la capitale japonaise.

Au coeur du dossier, Haruyuki Takahashi, 78 ans, ancien patron du groupe Dentsu, membre du conseil d’administration de Tokyo 2020. Il est soupçonné d’avoir reçu en 2017 l’équivalent de près de 380.000 dollars (au cours actuel), en plusieurs dizaines de versements étalés sur plus de cinq ans, de la part de la société Aoki Holdings, une chaîne japonaise de magasins de costumes d’affaires.

L’argent a été versé par Aoki sur le compte d’une agence de conseil appartenant à Haruyuki Takahashi. Précision tout sauf anecdotique : Aoki Holdings, déjà impliquée dans la candidature de Tokyo pour les Jeux d’été en 2020 (la marque avait habillé la délégation lors de la session du CIO à Buenos Aires en septembre 2013), est devenue en 2018 partenaire du comité d’organisation.

Considéré par sa position de membre du conseil d’administration de Tokyo comme un agent de l’état, Haruyuki Takahashi ne devait pas recevoir le moindre sou d’un partenaire officiel des Jeux. Selon les documents de l’enquête, son cabinet de conseil aurait été rémunéré mensuellement à partir de l’automne 2017. Les versements allaient de 3.700 à 7.400 dollars par mois.

Haruyuki Takahashi n’a pas nié les faits. Mais il a assuré que l’argent reçu n’était en aucune manière lié aux Jeux de Tokyo, ni à sa présence au conseil d’administration.

L’enquête s’est poursuivie. Au début du mois d’août, les procureurs chargés du dossier ont ordonné des perquisitions au domicile de Haruyuki Takahashi, mais aussi à celui de de l’ancien président d’Aoki Holdings, Hironori Aoki, 83 ans, retraité depuis le mois de juin, et dans les bureaux de l’ex comité d’organisation des Jeux.

Le dernier épisode, mercredi 17 août, monte encore d’un cran sur l’échelle des soupçons. Haruyuki Takahashi, Hironori Aoki et deux autres responsables de l’entreprise de vêtements – Takahisa Aoki, 76 ans, frère cadet du fondateur et ancien vice-président de la marque, et Katsuhisa Ueda, 40 ans, cadre de la société – ont été arrêtés.

Haruyuki Takahashi est soupçonné d’avoir reçu 51 millions de yens de pots-de-vin (380.000 dollars), via plus de 50 paiements, de la part de Hironori Aoki et d’autres personnes entre octobre 2017 et mars 2022. Les autres Japonais arrêtes sont suspectés d’avoir cherché à obtenir des arrangements favorables pour des contrats de sponsoring des Jeux de Tokyo.

Selon la chaîne publique NHK, citant des sources proches de l’enquête, Aoki Holdings aurait demandé un « traitement de faveur » à Haruyuki Takahashi plusieurs mois avant la signature du contrat de conseil. Les mêmes sources précisent que la société de vêtements aurait eu des contacts fréquents avec l’ancien dirigeant de Dentsu jusqu’en juin de l’année dernière. Aoki Holdings aurait notamment demandé à Haruyuki Takahashi de faire accélérer la sélection par le comité d’organisation des Jeux de Tokyo des produits officiels sous licence fabriqués et vendus par l’entreprise.

Comme souvent au Japon, l’annonce des quatre arrestations a été accompagnée d’un lot fourni de communiqués. Aoki Holdings a présenté ses excuses pour le « tort gigantesque » causé par ces interpellations. La société a assuré « prendre l’affaire au sérieux » et vouloir « coopérer pleinement aux enquêtes menées par les autorités« .

Créée en 1958, aujourd’hui basée à Yokohama, Aoki Holdings compte actuellement près de 600 magasins au Japon. Elle est cotée depuis 1991 à la Bourse de Tokyo.

Depuis son partenariat avec Tokyo 2020, elle a vendu plus de 30.000 costumes et vestes de sa collection olympique. La marque a également habillé la délégation japonaise pour les cérémonies d’ouverture des Jeux de Tokyo.