— Publié le 15 juin 2021

Avec Richard McLaren, l’AIBA veut assurer son avenir

Institutions Focus

A 76 ans, Richard McLaren ne connaît pas encore le sens du mot retraite. Le juriste canadien (photo ci-dessus), ancien professeur de droit en Ontario, enchaîne les missions avec des manières de forçat. Après avoir mis en lumière le dopage d’Etat dans le sport russe, puis révélé une culture de corruption à la Fédération internationale d’haltérophilie, il se penche aujourd’hui sur le cas de la boxe. Un dossier. Un vrai.

A la demande de l’AIBA, Richard McLaren et sa société, la McLaren Global Sport Solutions, vont mener l’enquête sur des soupçons de mauvaise gestion et de corruption dans le milieu de la boxe amateur. Avec, en tête de la pile des pistes à creuser, le tournoi olympique des Jeux de Rio 2016, où les manipulations et les mauvaises décisions des arbitres auraient été légion.

« La boxe a une longue histoire d’activités douteuses, a expliqué Richard McLaren, lundi 14 juin, dans un communiqué annonçant sa mission pour l’AIBA. De multiples enquêtes ont été menées dans le passé sur ce sport, qui n’ont pas été achevées ou auxquelles il n’a pas été donné suite. Il est temps pour la boxe de tourner la pageMais elle ne peut le faire sans un compte rendu complet de toute faute présumée. Notre équipe mènera une enquête indépendante sur les questions entourant la corruption ou la manipulation des résultats sportifs pendant les Jeux olympiques de Rio, identifiera les personnes responsables et recommandera la marche à suivre appropriée. »

Vaste programme. Mais il en faut plus pour repousser le juriste canadien. Sollicité pour creuser dans les bas-fonds du sport russe après les Jeux d’hiver de Sotchi en 2014, Richard McLaren avait pondu en 2016 un rapport à son nom, passé depuis à la postérité. Ses conclusions ont conduit l’Agence mondiale antidopage à demander, et obtenir, l’exclusion de la Russie du mouvement olympique.

Pour l’AIBA, il devra notamment se pencher sur les agissements des anciens dirigeants de l’instance, en place à l’époque des Jeux de Rio 2016. En tête de peloton, l’ancien président, le Taïwanais CK Wu, poussé vers la sortie en 2017.

Richard McLaren n’en fait pas mystère : son équipe tentera de mettre en lumière les cas de corruption, au sein même de l’instance, mais aussi parmi le corps arbitral, montré du doigt pendant le dernier tournoi olympique.

Un premier rapport est attendu dès cette année, sans doute avant la fin du mois d’août 2021.

Pour l’AIBA, le choix du juriste canadien ne répond pas seulement à une volonté de sortir tous les cadavres des placards. L’instance internationale, présidée depuis six mois par le Russe Umar Kremlev, veut surtout préparer l’avenir.

En faisant appel au plus médiatique des enquêteurs du sport international, dont l’indépendance n’a jamais été mise en doute, l’AIBA s’adresse indirectement au CIO. Son message est clair : faisons table rase du passé, construisons un avenir plus stable, jouons la transparence. Avec une idée fixe: retrouver sa place dans la mouvement olympique avant les Jeux de Paris en 2024.

Sous l’impulsion d’Umar Kremlev, l’AIBA a déjà renfloué ses caisses. Elle a honoré sa dette de 10 millions de dollars à une société en Azerbaïdjan. Elle a retrouvé des partenaires. Mais le plus dur reste à accomplir : convaincre le CIO de lever sa suspension, prononcée par l’instance olympique lors de la session de Lausanne en juin 2019.

Un rapport explosif de Richard McLaren sur la corruption et la mauvaise gestion écornerait encore un peu plus l’image de l’AIBA. Mais il ne pourrait pas lui faire de tort. Certes, il accuserait sans doute certains dirigeants, mais tous sont aujourd’hui écartés. Surtout, il permettrait à l’équipe en place de se poser en garante de l’intégrité et des bonnes pratiques.