— Publié le 24 mars 2020

Entre Tokyo et Lausanne, l’heure de la négociation

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Le report des Jeux de Tokyo a cessé de se prononcer au conditionnel. Il n’est désormais plus question d’en évoquer seulement la possibilité, comme une option à étudier avant de trancher. Il est devenu une certitude.

Richard Pound, le doyen des membres du CIO, a assuré dans un entretien téléphonique au quotidien USA Today que le report était décidé. « Avec toutes les informations dont dispose le CIO, le report a été décidé, explique l’avocat canadien. Les paramètres précisant le report n’ont pas encore été déterminés, mais les Jeux ne commenceront pas le 24 juillet. Ca, c’est ce que je sais. Les choses vont se faire par étapes. Il va d’abord être annoncé que les Jeux sont reportés. Puis il faudra gérer les répercussions. Elles seront immenses. »

A Lausanne, le CIO se refuse encore à étaler publiquement ses cartes. L’institution olympique ne s’interdit aucun scénario. Les plans B, C et D sont toujours à l’étude, prévoyant des reports respectifs à l’automne 2020, à l’été 2021, ou à l’été 2022.

La situation pourrait s’éclaircir dès ce mardi 24 mars. Selon une source gouvernementale, le Premier ministre Japonais, Shinzo Abe, doit s’entretenir au téléphone avec Thomas Bach dans la journée. La gouverneure de Tokyo, Yuriko Koike, et le président du comité d’organisation des Jeux de Tokyo, Yoshiro Mori, devraient se joindre à l’échange téléphonique.

Selon la même source, Shinzo Abe devrait demander au CIO de repousser les Jeux de Tokyo de « moins d’une année. » En cas d’accord du président du CIO, très probable, l’option d’un report en 2022 ne serait plus d’actualité.

Le CIO se donne un délai maximum de 4 semaines pour prendre une décision définitive. Pour beaucoup, une telle attente est trop longue. Elle est pourtant nécessaire. Thomas Bach le répète sans lassitude : décaler un événement de l’ampleur des Jeux d’été n’est en rien comparable avec le report d’une rencontre ou d’un tournoi de football.

Ces dernières semaines, l’organisation olympique a essuyé les critiques les plus violentes pour son « manque de transparence » et son attentisme. Très récemment, le pistard britannique Callum Skinner pas retenu ses mots sur son compte Twitter. « Son entêtement et son arrogance ont spectaculairement échoué et il a affaibli le mouvement olympique, a-t-il écrit en parlant de Thomas Bach. Ce n’est pas la première fois qu’il a placé ses propres motivations avant celle des athlètes et du mouvement. »

La critique est aisée, mais elle manque terriblement de recul et de pertinence. Certes, le CIO n’a pas fait preuve d’une grande maîtrise des règles de la communication de crise depuis le début de la pandémie de COVID-19. Son obstination à répéter, jusqu’à ces derniers jours, que les Jeux pourraient débuter comme prévu le 24 juillet, a pu apparaître comme un manque de respect pour les premiers concernés, les athlètes.

Mais l’institution olympique avait-elle un autre choix ? A plus de 120 jours de l’ouverture initiale des Jeux de Tokyo, alors que la crise sanitaire évolue chaque jour, pouvait-elle réellement prendre les devants et évoquer un report, sans en connaître la nature et les modalités ?

A ce jour, la majorité des grands événements sportifs prévus à partir du mois de juillet figure toujours au calendrier. Le Tour de France cycliste n’est pas annulé, ni reporté. Le tournoi de Wimbledon non plus. Personne n’a reproché à leurs organisateurs respectifs le moindre entêtement ou arrogance.

Le CIO veut se donner du temps. Il en a besoin. Les conséquences d’un report sont trop complexes pour ne pas être étudiées dans le détail. Elles sont sportives, économiques et humaines. Elles impliquent une interminable chaîne d’acteurs et de parties prenantes, avec un effet domino aux effets encore très incertains.

Certes, le CIO a failli dans ses efforts de communication. Ca n’est pas la première fois. Mais dans une telle situation, communiquer devient secondaire. Prendre la meilleure décision reste prioritaire. Elle peut, et doit, prendre du temps.