Paradoxe. Dans l’interminable feuilleton du dopage dans le sport russe, débuté au cours de l’été 2015, un Allemand joue les modérateurs. Thomas Bach, le président du CIO. Un autre se pose depuis le dernier épisode en meneur de la fronde. Alfons Hörmann (photo ci-dessus), le président du comité national olympique (DOSB). Clin d’œil de l’histoire: le second a succédé au premier à la tête de l’organisation olympique en Allemagne.
Alors que Thomas Bach freine des quatre fers, depuis le printemps dernier, pour empêcher une exclusion massive et à durée indéterminée de la Russie de la carte sportive, son compatriote et présumé allié Alfons Hörmann a profité du week-end pour brandir l’étendard de la révolte. « Si le dopage d’état de la Russie est avéré et que le comité olympique russe a violé la Charte du CIO, une interdiction complète de l’équipe olympique russe aux Jeux d’hiver de Pyeongchang 2018 et aussi à ceux de Tokyo 2020 serait un recours possible », a suggéré le président du DOSB.
Radical. Mais, selon le dirigeant allemand, nécessaire et sans doute même indispensable. Alfons Hörmann l’a suggéré dans les colonnes du quotidien Die Welt, une exclusion de la Russie dans son ensemble des deux prochaines éditions des Jeux olympiques aurait le mérite d’envoyer au public un message clair et sans nuance sur la volonté du CIO et des institutions internationales de mener la guerre au dopage.
« Si un pays a violé à ce point la Charte olympique, alors il doit être sanctionné de la plus sévère des manières », avance le dirigeant allemand. Pour Alfons Hörmann, il semble difficile d’imaginer que le dopage ait été autant répandu dans le sport russe (le second volet du rapport McLaren évoque « au moins un millier d’athlètes concernés »), sans que le comité national olympique en ait eu connaissance. « Dans un pays comme la Russie, j’ai du mal à le croire », confie-t-il.
Hasard ou pas, la prise de position très offensive du patron du mouvement olympique allemand intervient au moment où le sport russe est une nouvelle fois montré du doigt par la chaîne de télévision ARD. Allemande, elle aussi. Dans son dernier d’une série explosive de documentaires sur le dopage en Russie, diffusé dimanche 22 janvier, le réalisateur et journaliste Hajo Seppelt en remet une couche. Il révèle, preuves à l’appui, que rien ne semble avoir changé dans l’athlétisme russe, malgré les sanctions et la suspension de la fédération par l’IAAF.
Vedette du documentaire d’ARD: Vladimir Kazarin (photo ci-dessus). Un entraîneur russe bardé de succès et de médailles, connu dans les stades d’athlétisme pour avoir conduit vers les podiums un groupe de spécialistes du 800 m. En tête de liste, Maria Savinova, championne olympique sur la distance aux Jeux de Londres en 2012. La jeune femme a reconnu dans un précédent documentaire de la chaîne ARD avoir eu recours aux hormones de croissance durant sa carrière. L’Agence mondiale antidopage (AMA) a réclamé, dans un rapport daté de la fin de l’année 2015, sa suspension à vie.
Avec un tel passif, Vladimir Kazarin devrait désormais ne plus pouvoir approcher un athlète à moins d’une centaine de mètres. Mais le dernier documentaire de la chaîne allemande le montre exerçant son métier de coach en toute impunité. L’équipe d’ARD dévoile des images en caméra cachée prises à Ekaterinbourg. Elle a également recueilli le témoignage d’un athlète russe, Andrei Dmitriev, passé dans le camp des lanceurs d’alerte. Le coureur a filmé lui-même les images du documentaire. Il assure dans le reportage que Vladimir Kazarin continue à s’occuper de la préparation de plusieurs athlètes russes de haut niveau.
Mauvais timing: le documentaire allemand a été diffusé à la veille d’une nouvelle réunion, à Moscou, entre les autorités russes et des représentants de l’IAAF. Elle débute ce lundi 23 janvier et doit se poursuivre le lendemain. L’ordre du jour en est déjà connu.