— Publié le 3 juin 2015

Après la chute du roi, le bal des prétendants

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Fin de règne. Quatre jours seulement après avoir coiffé une nouvelle couronne de roi du foot mondial, la cinquième, Sepp Blatter a rendu les clefs de la FIFA. De lui-même. Sa démission est tombée mardi 2 juin, en début de soirée. « Bien que les membres de la FIFA m’aient conféré ce mandat, ce mandat n’a pas le soutien de l’intégralité du monde du football. J’entends par-là des supporteurs, des joueurs, des clubs et de tous ceux qui vivent, respirent et aiment le football autant que nous tous à la FIFA. C’est pourquoi je remettrai mon mandat à disposition lors d’un Congrès électif extraordinaire », a déclaré le Suisse, s’exprimant en français, à l’occasion d’une conférence de presse aussi brève qu’inattendue.

Pourquoi un tel revirement? L’avenir répondra. Ou pas. A ce stade de l’histoire, les supputations succèdent aux hypothèses. A-t-il été acculé? A-t-il subi des pressions? S’est-il tout bêtement réveillé un matin en réalisant qu’il avait plus à perdre qu’à gagner en restant à son poste dans un tel contexte de crise? Une chose est sûre: Sepp Blatter n’a pas donné sa démission pour échapper à l’enquête dont il l’est l’objet, notamment de la part de la justice américaine. Les autorités suisses l’ont précisé quelques heures seulement après l’annonce de son départ: la démission du président de la FIFA n’aura pas « d’incidence » sur l’enquête en cours.

Blatter s’en va. Bon vent. La suite s’annonce aussi confuse que passionnante, avec un nouveau chapitre à écrire. Le président de la FIFA l’a annoncé en même temps qu’il signifiait son départ: un Congrès extraordinaire sera convoqué. Domenico Scala, le président du comité d’audit et de conformité de la FIFA, a déjà précisé qu’il se tiendrait entre décembre 2015 et mars 2016. Le temps de respecter les statuts de l’institution pour l’appel à candidatures et le dépôt des lettres des postulants. Le temps aussi, peut-on penser, à Sepp Blatter de préparer sa succession. En clair, se trouver un remplaçant qui lui convienne, à tous les sens du terme, et travailler en sous-main à sa victoire.

La FIFA a beau traverser la plus grave crise de son histoire, les prétendants devraient être nombreux pour s’asseoir sur le trône. Deux d’entre eux sont déjà sortis du bois: Ali ben Al-Hussein, le prince jordanien, battu le week-end dernier par Blatter, et le Brésilien Zico, ex star de la Seleçao. Le premier n’a surpris personne en annonçant, dès mardi soir, qu’il se lancerait dans la course. Le second a suggéré, sur sa page Facebook, qu’il était très tenté d’y aller, mettant déjà en avant son expérience comme ministre des Sports du Brésil dans les années 90.

Pour avoir osé défier Sepp Blatter, recueillant 73 voix au premier tour de l’élection, samedi dernier, Ali ben Al-Hussein s’affiche comme un candidat crédible. Sa première campagne avait été solide et efficace. La seconde devrait être encore plus pertinente. Mais le Jordanien, seulement âgé de 39 ans, n’a pas pu vraiment faire trembler le vieux Suisse, malgré un contexte ô combien favorable. Le signe qu’il ne possède pas encore tout à fait les épaules pour le poste suprême.

Passons rapidement sur les candidats, plus ou moins éphémères, de la dernière campagne. Michael van Praag, Luis Figo, David Ginola et Jérôme Champagne ont tous tenté leur chance, avant de se défiler. Les deux premiers l’ont fait au dernier moment, sans gloire. Ginola et Champagne n’ont pas obtenu les soutiens nécessaires. Difficile de les imaginer ressortir du placard avec un potentiel de victoire, même si le premier de la liste, le dirigeant néerlandais, a fait savoir dès mardi soir qu’il se tenait prêt dans le cas où « le monde du football » fasse appel à lui. Scénario peu probable.

Reste deux hommes, les deux plus sérieux de la course. Le premier est connu. En Europe, surtout en France, son nom est déjà cité comme le grandissime favori: Michel Platini. Le patron de l’UEFA ne s’est pas encore déclaré. Selon toute logique, il devrait le faire. L’ex numéro 10 des Bleus et de la Juve n’avait pas voulu, ou osé, se dresser face à Sepp Blatter. Le Suisse désormais hors jeu, la route est libre. Mais le Français n’aime pas la défaite. Il ne se lancera dans l’aventure qu’avec la certitude de l’emporter. Une hypothèse encore douteuse, sachant que l’Europe pèse seulement 53 voix parmi les 209 membres de la FIFA.

Le deuxième homme? Pour l’instant, appelons le Mystère. Un candidat qui serait celui de Sepp Blatter, choisi et adoubé par l’ex président. Connaissant Sepp Blatter, il est difficile d’imaginer le voir laisser la FIFA à un dirigeant hostile. Désormais libre de ses mouvements, le Suisse peut se consacrer à sa succession. Qui sortira-t-il du chapeau? Trop tôt pour répondre. Issa Hayatou, le patron de la Confédération africaine, une organisation toute entière dévouée à Sepp Blatter, a fait savoir qu’il ne serait pas celui-là. Mais faisons confiance au Suisse pour en dénicher un autre.