— Publié le 18 mars 2015

« Entre Coe et Bubka, je dirai qui est le meilleur »

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L’heure de la retraite a presque sonné pour Lamine Diack. A 82 ans, le Sénégalais rendra les clefs de son bureau présidentiel le 18 août 2015, à l’occasion du prochain Congrès de la Fédération internationale d’athlétisme (IAAF). Présent la semaine passée à la Convention internationale du sport en Afrique (CISA), organisée à Kigali, au Rwanda, il a répondu aux questions de FrancsJeux.

FrancsJeux : Avec quel état d’esprit vivez-vous vos derniers mois comme président de l’IAAF ?

Lamine Diack : Avec soulagement. Cela fait longtemps que ça dure. Je voulais déjà arrêter en 2011, mais je me suis laissé convaincre de continuer le temps d’un nouveau mandat. L’IAAF a fêté son centenaire en 2012, il aurait été étrange d’y assister seulement en qualité d’invité.

Dans quelle situation laissez-vous l’athlétisme mondial ?

Je crois que nous avons fait du bon travail. En 1999, nos contrats arrivaient tous à leur terme. Nous les avons renégociés à la hausse. En 2010, les rumeurs prédisaient, je ne sais pas pourquoi, que l’IAAF allait mettre la clef sous la porte. Aujourd’hui, nous n’avons aucun problème de marketing. Nous venons de reconduire le contrat avec Dentsu jusqu’en 2029. Et nous sommes parvenus à la parité hommes/femmes au sein de l’IAAF, alors que nous en étions très loin à mon arrivée.

Quand vous regardez le chemin parcouru, que vous inspire votre bilan ?

Je m’étais fixé comme objectif de rendre l’athlétisme encore plus universel et de le maintenir à un haut niveau en Europe. Je crois que, dans les deux cas, il a été atteint.

Avez-vous des regrets ?

J’espérais remporter la bataille contre le dopage. Mais elle est impossible à gagner. Je voulais aussi voir les Etats-Unis organiser au moins une fois les championnats du monde en plein air. Mais ils n’ont pas un seul vrai stade d’athlétisme.

Eugene, la ville de l’Oregon, était candidate aux Mondiaux 2019. L’IAAF lui a pourtant préféré Doha…

A chaque élection pour une ville-hôte aux Mondiaux en plein air, nous demandons aux candidats ce qu’ils peuvent apporter de plus. Pour l’édition 2015, Pékin a proposé de payer les primes des athlètes. Cela nous fait économiser 7 millions de dollars. Nous avons choisi Pékin. Pour 2019, nous avons demandé aux Américains de nous présenter une lettre d’engagement de la chaîne NBC garantissant une couverture de la compétition. Ils n’ont pas pu l’obtenir. En face, Doha a amené un nouveau sponsor à l’IAAF et offert de construire une dizaine de pistes d’athlétisme dans les pays qui en ont besoin. Nous avons choisi Doha.

Quel héritage laisserez-vous dans l’athlétisme africain ?

Il existe quatre langues sur le continent, j’ai fait construire quatre centres d’entraînement de haut niveau. Et le meeting de Rabat, au Maroc, a de bonnes chances d’intégrer l’an prochain le circuit de la Diamond League. Mais j’aurais aimé faire plus. L’Afrique possède un fabuleux potentiel, mais elle doit consentir plus d’efforts pour l’exploiter. Elle doit concevoir l’athlétisme comme un produit. En mettant sur pied, par exemple, un circuit de meetings en plein air pendant l’hiver. Mais l’Afrique n’est pas le seul continent à devoir faire des efforts. Les Etats-Unis, l’Asie ou les Caraïbes devraient, eux aussi, créer un circuit de meetings. Non pas pour concurrencer la Diamond League, mais pour construire un calendrier. Aux Etats-Unis, l’athlétisme se réduit aux trials, aux Mondiaux et aux Jeux olympiques. Le reste n’existe pas.

Comment allez-vous régler l’affaire du dopage en Russie ?

Une enquête en est en cours, attendons ses conclusions. Les questions de dopage sont gérées, à l’IAAF, par une commission indépendante. Elle fait son travail de son côté et prend ses propres décisions, sans nous consulter ou devoir rendre des comptes au Conseil.

Que pensez-vous de la bataille engagée entre Sebastian Coe et Sergueï Bubka pour votre succession à la présidence de l’IAAF ?

En 2007, quand on m’a demandé qui pourrait me succéder, j’ai répondu Seb (Coe), Sergueï (Bubka) ou Nawal (el Moutawakel). Quand les deux premiers ont voulu se lancer, je leur ai dit d’y aller. Ils sont légitimes, mais ce sont les fédérations qui vont décider.

Lequel est votre favori ?

Si j’avais un favori, je ne vous le dirais pas. Je ne prendrai pas position avant le 18 mai, date limite pour le dépôt des candidatures. Après, je me réserve le droit de dire lequel des deux me semble le meilleur.

Une question pour le membre honoraire du CIO que vous êtes. Que pensez-vous du projet de candidature de Paris pour les Jeux d’été en 2024 ?

Paris mérite d’organiser les Jeux olympiques en 2024. Le Stade de France est un grand stade d’athlétisme. Mais les Français doivent travailler leur candidature.