Candidatures

« Je vois déjà les titres de la presse si nous votons Almaty »

— Publié le 9 septembre 2014

Peu de dirigeants sportifs internationaux sont aussi concernés par la course aux Jeux d’hiver de 2022 que Gian-Franco Kasper. Le Suisse est membre du CIO depuis 2000. Surtout, il préside la Fédération internationale de ski (FIS) depuis 1998, après en avoir été le Secrétaire général pendant près de 20 ans. A l’heure où la candidature d’Oslo peine à convaincre l’opinion publique norvégienne de l’intérêt du projet olympique, FrancsJeux l’a interrogé sur le pourquoi et le comment de cette improbable course à trois, avec Almaty et Pékin. Une interview sans langue de bois.

FrancsJeux: Pourquoi se retrouve-t-on aujourd’hui avec une course à trois, Almaty, Oslo et Pékin, pour l’attribution des Jeux d’hiver de 2022?

Gian-Franco Kasper: L’effet Sotchi a joué. En Europe, notamment, les gens n’ont pas tous réalisé que le plus gros des dépenses des derniers Jeux d’hiver a été consacré à des infrastructures durables. Les Russes ont construit en 6 ans ce que nous, dans les Alpes, avons eu besoin de 200 ans pour bâtir. Il en est sorti un malentendu dans l’opinion publique internationale, qui explique le non aux référendums conduits dans certains pays tentés par une candidature.

La Suisse notamment?

Bien sûr. Mais le cas de Saint-Moritz dépasse cet effet Sotchi. En Suisse, les gens associent la FIFA et le CIO à la corruption. La réputation du CIO est toujours entachée, malgré tous les efforts consentis depuis des années. Les choses vont changer, peu à peu, mais ça prendra du temps.

Que vous inspire cette course à trois pour les Jeux d’hiver de 2022?

La Norvège est encore douteuse. La population reste défavorable, mais elle peut changer de point de vue. Il faut rester optimiste, car Oslo est un très bon candidat. Je faisais partie de la commission du CIO qui a effectué la pré-sélection, les trois villes en lice présentent de bons dossiers, les Jeux y seraient probablement faisables. Dans cette course, il manque l’Europe centrale. Concernant la candidature de Pékin, j’avais un problème, car je ne connaissais pas les montagnes. Je m’interrogeais sur la possibilité d’y organiser des Jeux d’hiver. Un expert est allé se rendre compte sur place. Il en a conclu qu’on pouvait y faire des Jeux d’hiver. Reste la question de la neige. L’hiver dernier, il n’en est pas tombé un seul flocon. Et il y a eu peu de neige sur les sites proposés au cours des dix dernières années. Mais je fais confiance aux Chinois: ils auront la capacité de fabriquer de la neige artificielle. Et un train à grande vitesse permettra de rallier Pékin et les stations en 1 h 30.

Et Almaty?

Le Kazakhstan possède les montagnes et les sites pour accueillir des Jeux d’hiver, je n’ai aucun doute là-dessus. Et je n’ai aucun doute sur leur candidature, même si les Kazakhs ne possèdent pas une grande expérience dans l’organisation d’événements sportifs d’ampleur internationale. Le problème tient plus au choix politique. Je vois déjà les titres de la presse européenne, si nous votons Almaty. Les journaux vont tous dire que le CIO a donné les Jeux à un pays non démocratique.

Dans tous les cas, ces Jeux d’hiver de 2022 doivent-ils être moins coûteux que ceux de Sotchi?

Bien sûr. Je suis pour une réduction des dépenses. Les Jeux de la Jeunesse que nous avons vécus le mois dernier à Nankin étaient exagérés. Ils s’éloignaient du concept. Le gigantisme peut tuer le mouvement olympique. En 2018, à PyeongChang, une seule piste de descente sera utilisée aux JO pour les hommes et les femmes. C’est une très bonne idée.

Après PyeongChang en 2018 et Tokyo en 2020, le CIO peut-il encore raisonnablement attribuer les Jeux de 2022 à l’Asie?

Aller en Asie ne pose aucun problème au CIO. C’est même assez intéressant, en termes de développement et pour l’industrie des sports d’hiver. Aujourd’hui, l’Europe se montre réticente à l’idée d’organiser les Jeux d’hiver, mais les choses vont changer après 2018. Les gens vont alors réaliser qu’il est possible d’accueillir l’événement en dépensant moins. Ils vont se réveiller.