— Publié le 9 décembre 2019

Pour la Russie, quatre ans de désert et de disette

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Une habitude. Triste mais prévisible. Deux ans après les Jeux d’hiver de PyeongChang 2018, le drapeau et l’hymne de la Russie seront absents des Jeux de Tokyo 2020. Ils le seront encore deux ans plus tard, à Pékin, pour le prochain rendez-vous olympique hivernal. La Russie disparaît du paysage le temps d’une olympiade. A l’échelle de la vie d’un athlète, pour une éternité.

Sans réelle surprise, le comité exécutif de l’Agence mondiale antidopage (AMA) a suivi, lundi 9 décembre, la recommandation de son comité de révision de la conformité. Il a décidé d’exclure la Russie du mouvement sportif international pour une période de 4 ans. Une sanction sans égale dans l’histoire. La décision a été prise à l’unanimité des 12 membres du comité exécutif.

Craig Reedie, le président de l’AMA, l’a expliqué dans un communiqué : la décision d’exclure la Russie illustre la volonté de l’agence « d’agir avec fermeté face à la crise du dopage » dans ce pays. « Pendant trop longtemps, le dopage russe a nui à la propreté du sport, a expliqué le dirigeant écossais, dont le mandat à la tête de l’AMA se terminera à la fin du mois de décembre. La violation flagrante par les autorités russes des conditions de réintégration de la RUSADA, approuvées par le comité exécutif en septembre 2018, a exigé une réponse ferme. C’est exactement ce qui a été fait aujourd’hui. »

La sanction se voulait exemplaire. Elle l’est, sans la moindre réserve. La Russie ne pourra pas participer en tant que nation aux Jeux olympiques, pendant une période de 4 ans. Pire : sa mise à l’écart concerne également tous les « événements majeurs » du calendrier sportif international.

Les officiels russes liés aux autorités politiques seront bannis des grandes compétitions mondiales. Il leur sera également interdit de siéger dans les organisations internationales signataires du Code mondial de l’AMA.

La Russie ne pourra pas se porter candidate à l’organisation de compétitions planétaires, dont les Jeux olympiques et les championnats du monde, dans toutes les disciplines dont la fédération internationale a ratifié le Code mondial antidopage. Elle pourrait également perdre les événements qui lui ont déjà été attribués, dont les Mondiaux masculins de volley-ball en 2022.

L’AMA a assuré que la Russie ne serait pas autorisée à se porter candidate aux Jeux olympiques en 2032, que sa candidature « soit présentée pendant ou après » sa suspension de 4 ans.

Le cas de la Coupe du Monde de football 2022 au Qatar s’annonce plus confus. Olivier Niggli, le directeur général de l’AMA, a expliqué dès lundi 9 décembre à Lausanne que « l’équipe qui sera là ne pourra pas représenter la fédération de Russie ». Mais il a également précisé que la sanction ne s’appliquera pas aux phases de qualification, prévues en 2021 et 2022. Allez comprendre.

Les athlètes ? Ils échappent partiellement à la sanction, mais il leur faudra emprunter un parcours incertain et fastidieux pour espérer voir les Jeux et les autres grands rendez-vous majeurs. Un porte-parole de l’AMA l’a expliqué : « Les sportifs russes, s’ils veulent participer aux Jeux olympiques ou paralympiques ou tout autre événement majeur figurant dans les recommandations, devront démontrer qu’ils ne sont pas impliqués dans les programmes de dopage décrits par le rapport McLaren ou que leurs échantillons n’ont pas été falsifiés. »

En clair, il leur faudra prouver individuellement leur parfaite intégrité. Jamais simple. Les spécialistes russes de l’athlétisme en ont l’habitude, depuis la suspension en 2015 de leur fédération. Les autres disciplines devront s’y soumettre à leur tour. Dans le même temps, les fédérations internationales devront mettre en place un dispositif permettant de traiter au cas par cas les demandes d’éligibilité des représentants de la Russie.

La décision de l’AMA peut être contestée, dans un délai de 21 jours, devant le Tribunal arbitral du sport (TAS). Elle peut l’être par l’agence russe antidopage (RUSADA), ou par le comité national olympique. Elle pourrait même l’être, en théorie, par toute fédération internationale directement concernée. Cette dernière option semble peu crédible.

La Russie fera-t-elle appel ? Probable, voire quasi certain. Une décision sera prise par la RUSADA, dans un sens ou dans l’autre, lors de sa réunion du 19 décembre. Pavel Kolobkov, le ministre russe des Sports, a laissé entendre que la décision de l’AMA serait contestée devant le TAS. Selon ses avocats, la sanction serait contraire à la Charte olympique. Youri Ganous, le patron de la RUSADA, soutient déjà que les chances de la Russe de l’emporter en appel seraient nulles. Possible, mais pas certain.

Selon Jonathan Taylor, le président du comité de révision de la conformité de l’AMA, le TAS pourrait rendre une éventuelle décision à partir de la fin du mois de mars. Mais la complexité de la procédure, et l’armée d’avocats que devrait déployer le régime de Moscou, pourraient faire durer le feuilleton jusqu’au mois de juin. Dans tous les cas, la période de suspension de quatre ans débutera à compter de la décision du TAS.