— Publié le 29 septembre 2019

« 100 ou 100 000 spectateurs, ça ne change rien »

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Peu enviable record. Samedi 28 septembre, Christian Coleman a fait main basse sur le titre mondial du 100 m, au Khalifa Stadium de Doha, devant 8.000 spectateurs. L’affluence la plus faible de l’histoire des championnats du monde pour une finale de l’épreuve dite reine de l’athlétisme. Sa victoire en poche, l’Américain a bouclé son tour d’honneur devant des tribunes vides. Cruel.

Plus tard dans la nuit, seulement 28 athlètes ont franchi sur leurs deux jambes la ligne d’arrivée du 50 km marche. Le jury a enregistré 14 abandons et 4 disqualifications. Le vainqueur, le Japonais Yusuke Suzuki, l’a emporté en 4 h 4 min 20 sec, le chrono le plus lent sur la distance depuis la création de l’événement en 1983.

Question : fallait-il attribuer l’organisation des Mondiaux à Doha, au Qatar ? Sebastian Coe, le président de World Athletics (ex IAAF), s’en est défendu à maintes reprises. Pour le Britannique, il n’est pas possible de prétendre à l’universalité de l’athlétisme et de sa fédération internationale tout en ignorant éternellement certaines régions du monde, dont le Moyen-Orient. Pas faux.

A sa façon, World Athletics s’inscrit dans la logique d’un mouvement sportif international qui n’a jamais craché sur le Qatar lorsqu’il fallait trouver un pays-hôte à un événement dont personne ne voulait. Les premiers Jeux mondiaux de plage, une initiative de l’Association des comités nationaux olympiques (ACNO), en sont le dernier exemple.

Leur organisation avait été initialement attribuée à San Diego, aux Etats-Unis. Mais les Californiens ont jeté l’éponge, citant des difficultés budgétaires. Appelé à la rescousse, à quelques mois de l’événement, le Qatar a sauvé la mise. L’événement se tiendra à Doha, du 12 au 16 octobre 2019. Il sera suivi dans la capitale du Qatar par l’assemblée générale de l’ACNO, elle aussi initialement prévue à San Diego.

Le mouvement olympique peut-il profiter sans retenue des largesses du Qatar pour accueillir et financer ses organisations les moins convoitées, puis lui tourner le dos au moment d’attribuer ses biens les plus précieux, comme les Mondiaux d’athlétisme ? La réponse est non.

Les Qataris ont réalisé des prouesses pour offrir à l’événement les conditions les plus propices aux performances. Ils ont climatisé le Khalifa Stadium. Une première. Samedi soir, la deuxième journée des Mondiaux a été marquée par deux meilleures performances mondiales de l’année, établies par Christian Coleman au 100 m (9 sec 76) et par le Jamaïcain Tajay Gayle à la longueur (8,69 m). Aux Jeux de Tokyo, l’an prochain, la chaleur et l’humidité s’annoncent redoutables. Mais le stade olympique ne bénéficiera pas d’une telle avancée technologique.

Dans le camp des athlètes, la question divise. Interrogé en conférence de presse sur le tour d’honneur en solitaire de Christian Coleman, Justin Gatlin a expliqué : « 100 spectateurs ou 100 000, cela ne fait aucune différence. Sur la piste, nous pouvons entendre les gens qui nous encouragent, sans chercher à les compter. Pour la finale du 100 m, l’ambiance était à la hauteur. »

La chaleur ? Le Français Yohann Diniz, champion du monde du 50 km marche en 2017, a résumé son sentiment d’une formule sans nuance : « Les gens du hors stade (marche et marathon), on nous prend pour des cons. Dans le stade, les conditions sont bonnes, mais en dehors on nous met dans une fournaise qui n’est pas possible. » Brièvement en tête de l’épreuve, dans la nuit de samedi à dimanche sur le bitume de Doha, le Français a quitté le parcours au 16ème kilomètre, avant de frôler le malaise.

Le Canadien Evan Dunfee, le médaillé de bronze, propose un autre son de cloche. A la question de savoir s’il était prudent de lancer un bataillon de marcheurs à l’assaut d’un 50 km par plus de 30° et 70% d’humidité, il s’est montré catégorique : « Je savais qu’il allait faire trop chaud à Doha en octobre. On savait que ça allait être dur. Nous le savons tous depuis l’annonce des Mondiaux à Doha. Beaucoup de gens l’ont mal jugé, mais du point de vue de la sécurité, tout était ok à condition de se montrer intelligent. Les stations de ravitaillement et les soins médicaux ont été incroyables. Je n’ai jamais eu le moindre doute dans ma tête. J’étais inquiet quant à la façon dont je pourrais faire face aux conditions, mais je ne l’ai jamais été sur l’organisation. »

Dimanche 29 septembre, des pluies torrentielles ont perturbé l’épreuve masculine des Mondiaux de cyclisme sur route, organisés dans le Yorkshire, en Angleterre. Elles ont obligé l’UCI à raccourcir la course. Elles ont provoqué chutes et abandons. Quarante-six coureurs classés pour 197 partants. La pluie en Angleterre, en début d’automne ? Qui l’eut cru… Question : fallait-il attribuer au Yorkshire les Mondiaux de cyclisme sur route ?