— Publié le 9 juillet 2019

A Paris 2024, l’affaire Total tourne au combat politique

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L’affaire semblait bouclée, elle revient en feuilleton. Avec un casting de poids lourds.

N’en déplaise à Anne Hidalgo, le groupe Total n’est peut-être pas définitivement écarté du programme de marketing des Jeux de Paris 2024. Le nom du groupe français est revenu dans l’actualité, depuis deux jours. Le voilà désormais au cœur d’une bataille de propos très politique entre le chef de l’Etat, la maire de Paris et un élu des Républicains.

Premier acteur, par ordre d’apparition : Emmanuel Macron. Sur FranceInfo, dimanche 7 juillet, le chef de l’Etat s’est invité dans le débat en estimant que le désengagement de Total auprès de Paris 2024 n’était pas « une bonne idée ». Selon lui, le groupe aurait pu « aider à financer des Jeux verts ».

Jusque-là, rien de très explosif. Mais Emmanuel Macron a poussé nettement plus loin le curseur de la critique à l’égard de la maire de Paris, Anne Hidalgo, à l’origine de la décision de Total de renoncer à devenir un partenaire premium des Jeux de Paris 2924.

« C’est plus facile d’écarter de l’argent privé en donnant des leçons de morale que d’en trouver, donc maintenant on doit mobiliser collectivement tous les financeurs français, a suggéré le chef de l’Etat. Qu’il y ait des entreprises qui polluent, c’est le cas, mais je ne vais pas expliquer à tous les salariés de Total en France qu’ils ont un travail qui n’est pas digne. Total doit s’engager dans une politique de transition énergétique, il faut les aider à cela. Et si Total peut mettre de l’argent pour aider à financer des Jeux verts et peut mettre de l’argent pour aider à financer la transition, c’est une bonne chose. Tous les financeurs sont bienvenus. Ils doivent être exemplaires sur le plan environnemental et sur le plan de l’inclusion, c’est absolument essentiel, mais derrière on doit mobiliser toutes nos entreprises pour qu’elles aident à financer. Mais pas avec leur cahier des charges, avec le nôtre ».

L’affaire aurait pu en rester là. Mais un deuxième acteur s’est glissé à son tour dans la porte. François Baroin, le président Les Républicains de l’Association des maires de France (AMF), a suggéré à son tour un retour de Total « autour de la table ».

Ce « fer de lance de l’industrie à la française doit être un partenaire des JO et je crois qu’il faudra qu’il revienne autour de la table, a déclaré François Baroin sur FranceInfo. On ne peut pas stigmatiser une entreprise comme celle-ci, lui dire qu’elle n’a pas sa place aux JO, alors que McDonald’s ou Coca sont des partenaires traditionnels et je n’ai pas le sentiment qu’ils soient des acteurs de la protection de la planète matin midi et soir. »

François Baroin a conclu ses propos en suggérant qu’il y avait « un petit peu de politique et de positionnement de la part d’Anne Hidalgo sur ce sujet. » Vraiment ?

La réponse de la maire de Paris n’a pas tardé. Mais elle a été exprimée par son premier adjoint, Emmanuel Grégoire. Sans surprise, il a défendu la position d’Anne Hidalgo. « Paris 2024 n’est pas obligé de faire de Total un partenaire majeur de l’organisation des Jeux Olympiques », a-t-il expliqué.

« Je pense que cela aurait été une forme d’incohérence, estime Emmanuel Grégoire. Je pense que cela aurait été souligné, que toute l’équipe France aurait été pointée du doigt en disant : arrêtez de raconter des ‘carabistouilles’, pour reprendre un mot du président de la République. Vous dites que vous voulez faire des JO verts et en même temps, vous faites de l’un des plus gros pollueurs de la planète votre partenaire principal. Il faut un minimum de cohérence. Total, le cœur de son métier, c’est l’exploitation des énergies fossiles. A elle seule, ça représente à peu près 1% des émissions mondiales de gaz à effet de serre. »

Puis le premier adjoint à la mairie de Paris s’est voulu rassurant sur les perspectives du COJO Paris 2024 en termes de marketing national. « Des discussions qui aboutiront, il y en aura, des discussions qui n’aboutiront pas, il y en aura également, a expliqué Emmanuel Grégoire. Il ne faut pas commenter à chaque fois qu’il y a un engagement ou un désengagement d’un partenaire potentiel. »

De son côté, le COJO compte les points en gardant le silence. Une stratégie certes prudente, mais certainement pas la moins pertinente à ce stade du débat.