Candidatures

Avec le Sénégal, l’Afrique s’invite enfin à la table

— Publié le 10 septembre 2018

C’est fait. Enfin. L’Afrique a rendez-vous avec l’olympisme, pour la première fois depuis la création des Jeux. Une rendez-vous aux dimensions encore réduites. Mais la date est choisie et le lieu presque déterminé.

Le CIO a annoncé très officiellement, dans un communiqué publié en fin de semaine passée, avoir recommandé le Sénégal comme pays-hôte des Jeux de la Jeunesse en 2022. Une recommandation établie à partir du rapport de la commission d’évaluation, dirigée par le Turc Ugur Erdener, l’un des vice-présidents de l’organisation olympique.

Rappel des épisodes précédents. En février dernier, la session du CIO réunie en marge des Jeux d’hiver de PyeongChang approuve à l’unanimité l’idée de confier à un pays du continent africain l’organisation des JOJ 2022. Le Sénégal lève très rapidement le doigt. Le Nigéria, avec la ville d’Abuja, et le Botswana, avec un dossier porté la capitale, Gaborone, annoncent également une candidature.

La Tunisie aussi veut en être, mais le CIO refuse son entrée dans la course, en réaction à la décision de ses autorités d’empêcher des athlètes israéliens de participer à une compétition internationale de taekwondo organisée dans le pays. Elle est finalement admise à postuler. Elle le fait en proposant un projet où l’événement serait partagé entre quatre villes distinctes, Tunis, La Soukra, Radès et la station balnéaire de Yasmine-Hammamet.

Dans son rapport, la commission d’évaluation des JOJ 2022 souligne que « le Sénégal offre un projet solide et, à ce moment précis, les meilleures perspectives. » Il est construit autour de trois pôles : la capitale, Dakar, la nouvelle ville de Diamniadio, et la station balnéaire de Saly. Le projet s’inscrit dans la stratégie de développement globale du pays, notamment le « Plan Sénégal Émergent », mis en place par le gouvernement en vue d’entreprendre des grands changements sur le plan économique et d’améliorer les infrastructures.

Commentaire de Thomas Bach : « C’est au tour de l’Afrique. L’Afrique est un continent peuplé de jeunes. C’est pourquoi nous voulons amener les Jeux olympiques de la Jeunesse de 2022 en Afrique et au Sénégal. Ce pays d’Afrique de l’ouest propose un projet reposant sur une forte ambition pour la jeunesse et le sport. Les opportunités y sont nombreuses et nous nous efforcerons de livrer ensemble, dans le cadre d’un étroit partenariat, des Jeux de la Jeunesse visionnaires, responsables et exaltants. »

Officiellement, rien n’est encore fait. La recommandation doit être approuvée par la prochaine session du CIO, prévue les 8 et 9 octobre à Buenos Aires, en marge des Jeux de la Jeunesse 2018. Mais le Sénégal peut déjà se mettre au travail. Il semble inconcevable que les membres du CIO rejettent la proposition de leur commission d’évaluation. Le Sénégal sera choisi.

Mamadou Diagna Ndiaye, le président du comité olympique sénégalais, par ailleurs membre du CIO, ne s’y trompe pas. Il s’est exprimé sans conditionnel sur les ondes de RFI : « C’est bien pour le Sénégal et bien pour la jeunesse du monde. C’est aussi une satisfaction pour l’Afrique et c’est une façon de valoriser nos infrastructures et de monter que l’Afrique est capable d’organiser de grands événements. »

Le choix du Sénégal replace l’espace francophone en position de force au sein du mouvement olympique. Avec une succession inédite de trois événements : les Jeux de la Jeunesse d’hiver 2020 à Lausanne, les JOJ d’été 2022 au Sénégal, puis les Jeux olympiques et paralympiques 2024 à Paris.

Reste une question : la présence historique des anneaux olympiques au Sénégal en 2022 ouvrira-t-elle la porte aux premiers Jeux d’été sur le continent africain ? Pas sûr.

Imaginés par Jacques Rogge, les JOJ n’ont pas seulement vocation à donner un coup de jeune à l’olympisme. Ils ont aussi pour rôle de mieux équilibrer les forces au niveau géopolitique, en accordant les Jeux, même en format réduit, à des pays a priori peu taillés pour recevoir l’événement dans sa version traditionnelle. Singapour, par exemple, choisi pour les JOJ en 2010. La Colombie, également, devancée par l’Argentine dans la course aux JOJ 2018.

En clair, organiser les Jeux de la Jeunesse n’assure pas forcément, loin de là, une bonne place dans une éventuelle campagne aux Jeux tout court.

Surtout, il faudra au continent africain patienter avant d’apercevoir une opportunité sérieuse de décrocher l’organisation des Jeux d’été. La présence probable ou possible de l’Inde, l’Allemagne, l’Australie, l’Indonésie, voire la Chine ou la Russie, dans la course aux Jeux d’été en 2032 rend la concurrence déjà redoutable. Pour la prochaine occasion, il faudrait donc peut-être attendre 2036.